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ou la fille les aidaient, s’ils avaient faim, à confectionner un plat d’œufs ou à griller des côtelettes.

La poste avait ce privilège qu’on devait laisser à ses postillons en habits bleus, galonnés et bordés de rouge, le milieu pavé de la chaussée. Le claquement de leur fouet, mêlé au bruit joyeux des grelots, faisait écarter les autres voitures. Lorsque deux chaises voyageant en sens inverse se rencontraient entre deux relais, on faisait un échange de chevaux et de postillons ; si les chevaux arrivés au relais ne trouvaient pas de voiture de retour, ils revenaient haut le pied à leur résidence. Les relais étaient espacés de 16 à 20 kilomètres, soit deux postes à deux postes et demie ; quoique les voyageurs eussent en leur possession le livre de poste, où se trouvaient marquées toutes les routes de France et de l’étranger, avec indications des relais et des prix, comme nous avons aujourd’hui le Livret-Chaix et l’Indicateur des chemins de fer, le règlement avec les postillons toujours gais, généralement polis, mais souvent ivres, n’en était pas moins ennuyeux et compliqué. Le tarif variait suivant le nombre des chevaux, des postillons et le type des véhicules.

Ceux-ci sont tantôt des « Amadis » ou « solitaires » à une place, — le propriétaire envoyait ses malles par la diligence, ne gardait qu’un portemanteau et partait en robe de chambre et en bonnet de nuit, — tantôt des cabriolets « à cul de singe, » des chaises à deux places montées sur ressorts « à écrevisse, » avec avant-trains ajoutés à volonté, tantôt des « dormeuses, » des « birouches, » diligences anglaises, des berlines à quatre portières « avec glaces coulant à fond, » des « gondoles, » ainsi nommées à cause de leurs caisses ovales, ou du mouvement que la vitesse leur communiquait en les faisant ondoyer comme des barques sur leurs longues soupentes.

La chaise à deux roues comportait deux chevaux seulement ; mais, si elle était occupée par deux voyageurs, un cheval supplémentaire était théoriquement obligatoire. On transigeait en le payant un peu moins cher, bien qu’il ne fût pas fourni. Ce troisième cheval que l’on paie toujours et que l’on ne voit jamais était un sujet de plaisanterie courante. Pour être mené rondement, le plus sûr était de donner « doubles guides » aux postillons qui, dans ce cas, ne quittaient pas le galop.

Les touristes ne voyageant pas la nuit faisaient rarement