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le mollet de sa jambe droite ; attitude ordinaire de repos. Et tous dévisagent ces gens étranges, pas très beaux, qui sont venus de si loin, en si petit nombre, qui ont tant fait.

La halte a lieu entre deux palais, celui du colonel, celui de l’administrateur. Imposans édifices larges et carrés, à deux étages d’arcades, et qu’assiègent les plaideurs, les solliciteurs, les réclamans. Des baliveaux grandirent au cœur de l’humus importé, dont les jardiniers noirs soignent, arrondissent et arrosent les tas précieux.

Sur les parterres de l’administrateur s’épanouissent de puissans aloès et d’autres plantes africaines. De la fraîcheur circule par les galeries. Dans le courant d’air pendent les gargoulettes pleines d’eau pure. Des gouttes se forment que cueillent, au vol, les oiselets habitant aussi la maison. Ils pépient dans le bureau des affaires indigènes, le tribunal et le corps de garde, dans le coin où les marchands obséquieux déploient leurs boubous brodés, leurs armes de panoplie, les selles, harnais, portières et tapis du Maroc.

Que l’on gravisse promptement l’escalier d’argile bien crépie, que l’on gagne la toiture plate, que l’on s’accoude en fermant les yeux sur la balustrade, puis, qu’en les rouvrant, on dirige le regard d’abord sur la mer de sable, vers la silhouette de la caravane lointaine, vers le groupe des méharis agenouillés contre les dômes en paillassons des nomades, vers le faubourg de grandes ruches collé aux courbes de la d’une ; enfin qu’on respecte la sévérité de la ville en sa longueur avec les pyramides saintes de ses trois mosquées debout, pour la foi de quatorze mille, et, parfois, de vingt mille fidèles en méditation sous leurs terrasses blondes, sèches et vides, derrière les murs de leurs maisons épaisses, basses, lourdes, agencées, chacune, autour de la courette que font retentir les coups sourds du pilon à mil ; et l’on comprendra toute l’histoire de cette capitale fille des espoirs conçus par les chameliers vendeurs de sel saharien, et par les bateliers vendeurs de l’or mandingue.

Le soleil qui dessèche l’argile de ces terrasses vides, l’effrite et la pulvérise entre leurs parapets rectangulaires s’emboitant ou s’entremêlant à l’infini, ce soleil n’éclaira point, durant les premiers siècles de la cité, une étendue si considérable de maisons blondes aux coins obliques, de façades à merlons et à obélisques de rues tortueuses sous les gargouilles, de porches