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sans trêve son La ilaha, ila, Allah, Mohammed raçoui Allah, c’est que la somme des promesses si fréquemment réalisées autrefois, il la demande uniquement au dieu de la Mecque.

Pourtant, sur cinq millions de sujets que dirige M. Clozel, le gouverneur de notre Soudan, un million et demi, au plus, adhère à l’Islam, et, sans même se plier aux règles quelque peu gênantes. Chose vraiment incompréhensible : deux mille ans d’efforts, de conquêtes, de commerce actif, d’intelligence pénétrante, d’arts propagés, n’ont pas suffi pour que, de Tombouctou, l’Islam rayonnât sur les régions méridionales du Niger au point de les faire siennes. Les abords des mosquées, à Tombouctou même, sont ordinairement déserts. Quand le muezzin appelle, très peu de dévots lui répondent en accourant. Les murs crénelés de l’illustre édifice ferment un espace presque toujours vide. Rien ici de la ferveur qui, dans l’Assouan égyptien, par exemple, transporte, en un instant, du fond du bazar, des rues lointaines, et des berges du Nil, une foule diverse de fellahs demi-nus, de Nubiens en toge, de Syriens en veston à carreaux jusque sur les marches du sanctuaire, où, précipitamment, ils enlèvent leurs babouches, déboutonnent leurs bottines pour se prosterner sur les nattes du sol consacré. La plupart du temps, au Dyinguer-Ber, dans les cours intérieures, seuls les chats se prélassent. Seuls ils se risquent dans l’ombre des nefs, sous les demi-cintres des colonnades massives. Seuls ils passent les portes de style égyptien que décorent, en relief, les lignes brisées des linteaux. Là, moins qu’en tout autre lieu, apparaît la vie, la vie qui, dans toute la cité, maintenant, se cache.

Cependant l’Islam inquiéta, et même il inquiète encore certains de nos administrateurs, de nos officiers. Il leur a fallu longuement étudier le problème, avant de conclure. Dans une excellente brochure, M. le lieutenant-gouverneur Clozel a dit cette série d’observations. Il rappelle qu’au début nous avons gardé, à la tête des peuples animistes, les chefs et les conseillers musulmans investis par les El-Hadj-Omar, et par les Samory, par leurs fils après leurs victoires sanguinaires, et pour leur tyrannie d’esclavagistes. C’était, en quelque sorte, reconnaître à l’Islam une supériorité effective et indiscutable. Cette erreur a vécu. Nos administrateurs ont, partout, retrouvé les