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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les événemens se sont précipités : nous avions il y a quinze jours le ministère Barthou, nous avons aujourd’hui le ministère Doumergue. Le ministère Barthou était un gouvernement de détente, de conciliation, de pacification ; le ministère Doumergue est un gouvernement tout différent, qui se rattache à celui de M. Combes et s’en fait honneur ; c’est le bloc reconstitué dans les mêmes conditions qu’autrefois, puisque le nouveau Cabinet n’a pu naître qu’avec le concours des socialistes unifiés, et qu’il ne pourra vraisemblablement pas vivre sans eux. Ainsi le travail de restauration morale qui s’était fait depuis quelque temps, et que le pays avait applaudi, est réduit à néant. Les radicaux-socialistes exultent. Pour eux, c’est la revanche, et ils triomphent sans modestie. Il a suffi que, dans une disciission d’ordre financier, une majorité de 25 voix se soit prononcée contre l’immunité d’une rente future pour déclancher toutes ces conséquences. La loi de trois ans est ébranlée ; la représentation proportionnelle est ajournée, autant dire abandonnée ; l’emprunt que la Chambre a voté est renvoyé à une date indéterminée : on gouvernera, en attendant, avec des moyens de trésorerie, c’est-à-dire avec des emprunts dissimulés et onéreux qui viendront aggraver et alourdir la situation déjà si grave et si lourde de la dette flottante. Tels sont les résultats qui ont été atteints en quelques heures, grâce à un vote sur une question d’ordre technique, émis à une faible majorité. Cela a suffi pour que tout soit changé autour de nous. On ne reconnaît ni le décor, ni les acteurs.

Quoiqu’il n’ait duré que huit mois, le ministère Barthou aura une page très honorable dans notre histoire parlementaire. M. Barthou n’avait pas pu jusqu’ici donner toute la mesure de son talent et de son caractère. On le savait doué d’une parole élégante et facile, mais