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religieuse de Barbier, les jeûnes répétés qu’il s’imposait et qui le conduisirent au tombeau, contribuent à en faire une figure pleine d’étrange et mystique beauté. « Au moyen âge, ajoute M. Darboux, il eût été vénéré comme un saint. »

Je voudrais pouvoir guider mes lecteurs dans l’exposé que fait M. Darboux des résultats mathématiques obtenus par Bertrand, comme aussi, — à d’autres endroits de ce volume, — de ceux qu’ont découverts d’autres grands géomètres, Hermite notamment. L’espace dont je dispose me l’interdit. En parcourant ces pages lucides qui ont, comme l’a écrit le grand mathématicien allemand Jahnke, la clarté du cristal, le plus réfractaire à la mathématique sera surpris et ravi de comprendre ces choses abstraites. Quant aux démonstrations mêmes de ces résultats, elles sont, comme Bertrand lui-même le disait à propos d’un travail de Galois, très faciles à comprendre, puisqu’il suffit de consacrer un mois ou deux à chacune sans penser à autre chose.

Quant à ceux qui reprocheront aux prêtres des mathématiques transcendantes d’être incompréhensibles pour le commun des mortels et de planer à des hauteurs où la popularité et la faveur même du vulgaire n’atteint pas, M. Darboux a prononcé à leur intention un plaidoyer de trop d’esprit pour qu’on ne me permette pas d’en citer ici quelques lignes : « La terre de France a toujours été fertile en géomètres ; mais ils seraient les premiers à regretter que tout le monde perdît un temps précieux à se mettre en état de comprendre leurs recherches. D’ailleurs les mathématiques, cela n’est que trop certain, emploient un langage et des formules dont l’étude exige un apprentissage long et difficile. Mais cette différence qui les séparait autrefois des autres sciences, disparaîtra rapidement, vous pouvez en être assuré. Pour moi qui, dans ma jeunesse, pouvais lire un travail de chimie ou de biologie, je vois arriver le moment où les sectateurs de chaque science seront protégés contre l’intelligence des simples mortels par une série de néologismes tout à fait comparables à nos formules algébriques. À ce moment, les géomètres conserveront toujours leur réputation bien justifiée d’être difficilement accessibles ; mais les autres savans la partageront. Il faudra des traducteurs pour toutes les sciences comme pour toutes les langues. » Et goûtez encore ceci : « Ces obstacles qui se dressent au seuil même des études mathématiques isolent quelquefois et chagrinent les géomètres. Mais je dois dire que nous avons des compensations. S’il est difficile de nous comprendre, il est plus difficile encore de nous critiquer. Quelques-uns