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Lauzun. On prit soin de conduire les opérations suivant les règles, à cause, dit Closen, « de la réputation de Cornwallis et de la force de la garnison. » L’expérience de Rochambeau fut là d’un grand secours : c’était son quinzième siège. Cornwallis était, de jour en jour, plus étroitement pressé. Le 29 septembre, il était encore plein d’espoir. « Je me suis risqué, ces deux derniers jours, écrivait-il à Clinton, à regarder bien en face l’ensemble des forces du général Washington sur la position qu’elles occupent de l’autre côté de mes retranchemens, et j’ai le plaisir d’assurer Votre Excellence qu’il n’y avait qu’un désir dans toute l’armée, c’est que l’ennemi avançât. » Une douzaine de jours plus tard, le ton était tout différent : « Je peux seulement répéter que rien autre qu’une intervention directe sur la rivière d’York, ce qui suppose une action navale heureuse, ne peut me sauver… Beaucoup de nos défenses sont gravement endommagées. » Lord Germain, plus radieux que jamais, se félicitait dans le même temps et complimentait Clinton des combinaisons qu’ils avaient si heureusement adoptées tous deux : « C’est une bien grande satisfaction pour moi, lui disait-il le 12 octobre, de trouver… que le plan concerté par vous pour la conduite des opérations militaires dans cette région (la Chesapeake) cadre avec ce que j’avais moi-même suggéré. » La Cour qui, comme lord Germain, ne doutait de rien, avait fait embarquer sur l’escadre de renfort de Digby un non moindre personnage que le prince Guillaume, l’un des quinze enfans de George III et par la suite l’un de ses successeurs sous le nom de Guillaume IV. Ce ne fut qu’un encombrement, et non pas un encouragement de plus.

Après les incidens bien connus du siège, la nuit vint où l’attaque décisive sur les deux redoutes avancées devait être tentée ; l’une par La Fayette et les Américains ; l’autre par Viomesnil et les Français. Rochambeau s’en fut trouver les grenadiers du régiment de Gâtinais, dédoublé de son ancien régiment d’Auvergne, et leur dit : « Mes enfans, si j’ai besoin de vous cette nuit, j’espère que vous n’avez pas oublié que nous avons servi ensemble dans ce brave régiment d’Auvergne sans tache, surnom honorable, qu’il a mérité depuis sa création. » Ils lui répondirent que, s’il voulait promettre de leur faire rendre leur ancien nom, il les trouverait prêts à se faire tuer jusqu’au dernier. Ils tinrent parole, perdant à l’assaut un tiers