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sortis de la fange des abîmes. » (Épître dédicatoire, 1854.) — « Le jour de l’an approche. Riches étalages. Les figures souffrantes du public qui les contemple forment contraste… Parfois la peur nous prend de voir ces hommes lever tout à coup leurs poings crispés, pour fracasser tous ces jouets bariolés et étincelans du monde comme il faut, et pour briser sans merci ce monde comme il faut lui-même. » — « Les doctrines subversives se sont trop emparées en France des classes inférieures. Il ne s’agit plus de l’égalité des droits dans l’État, mais de l’égalité des jouissances sur cette terre… La propagande du communisme possède un langage que chaque peuple comprend : les élémens de cette langue universelle sont aussi simples que la faim, l’envie, la mort. » (11 décembre 1841.) « Je suis toujours saisi de frayeur au premier moment que je vois se déchaîner les démons de la révolution… L’avenir a une odeur de cuir de Russie, de sang, d’impiété et de force coups de bâton. Je conseille à nos neveux de venir au monde avec une bonne et épaisse peau sur l’échiné. » (12 juillet 1842.)

Qui « déchaîne » habilement ou imprudemment « ces démons ? » Ceux qui jouent avec les cerveaux crédules et incultes ou qui s’en jouent. « Raconte-moi ce que tu as semé aujourd’hui, et je te prédirai ce que tu récolteras demain ! — Je pensais ces jours-ci à ce proverbe du brave Sancho Pança, en visitant quelques ateliers du faubourg Saint-Marceau, et en voyant quels livres on répand parmi les ouvriers, cette partie la plus vigoureuse de la basse classe. J’y trouvai plusieurs nouvelles éditions des discours de Robespierre et des pamphlets de Marat, dans des livraisons à deux sous, l’histoire de la Révolution par Cabet, le libelle envenimé de Cormenin, la doctrine et la conjuration de Babeuf par Buonarroti, etc., écrits qui avaient comme une odeur de sang ; — et j’entendis chanter des chansons qui semblaient avoir été composées dans l’enfer, et dont les refrains témoignaient d’une fureur, d’une exaspération qui faisaient frémir » (30 avril 1840.) En ce qui concerne Babeuf et Buonarroti, on vient de le voir, les renseignemens de Henri Heine paraissent retarder un peu ; ils retardent aussi, depuis le fiasco de mai 1839, en ce qui concerne Robespierre, Marat, Barbès, Blanqui et l’action proprement révolutionnaire. Mais ils ne disent rien de trop en ce qui concerne les communistes, et notamment Cabet. Seulement, Cabet est le premier à rappeler en