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imitateurs dans les fils de la bourgeoisie en quête de popularité. »

Ce n’était pas seulement, selon la remarque de l’Atelier, dans la Ruche populaire, ni seulement par Vinçard, Gallet et Desplanches, que se perpétuait, se propageait la formule, saint-simonienne en son essence, de « l’organisation du travail au moyen de l’association. » Tout est à l’association ; tout le monde est à « l’organisation du travail. » Les économistes eux-mêmes, au moins certains économistes, que j’ai cités déjà, y viennent ou s’en approchent. Peut-être faut-il rappeler encore les noms de Sismondi, du marquis de Villeneuve-Bargemont, qui ne sont point sans doute des orthodoxes (mais qu’est-ce que l’orthodoxie ? ), celui de La Farelle, auteur d’un livre un peu verbeux : Du progrès social au profit des classes populaires non indigentes (1839) ; celui d’André Cochut : Du sort des classes souffrantes, et : Du sort des classes laborieuses ; celui d’Audiganne, de qui la Revue des Deux Mondes publie, le 1er mars 1846, une étude sur l’Agitation industrielle et l’organisation du travail, le mot est dans le titre de l’article, pour la première fois, je crois, à la Revue ; et, comme transition aux écoles socialistes, ceux aussi de Constantin Pecqueur et de Vidal ; ce dernier « réformiste, » ainsi déclaré ; le premier « saînt-simonien, puis fouriériste et collaborateur du Phalanstère, unissant enfin ces sources doctrinales à l’inspiration communiste et à la tradition de la Révolution française. »

Les hommes politiques, comme il est naturel, c’est-à-dire comme ils ont accoutumé, vont devant. Dès le 16 mai 1840, à la tribune de la Chambre, Arago, combattu par Thiers, « tend la main aux socialistes, » et, « faisant une sombre peinture des souffrances de la population manufacturière » (les deux idées de manufacture et de souffrance sont alors associées dans beaucoup d’esprits, même en dehors du monde ouvrier), proclame la nécessité d’y remédier par une nouvelle « organisation du travail. : » Le dimanche 24 mai, un millier d’ouvriers se forment en cortège pour aller à l’Observatoire remercier l’illustre astronome que, huit jours après, le 31, le Journal du Peuple félicite chaudement « de s’être fait le mandataire des classes torturées par la misère et la faim ; d’avoir appelé de tous ses vœux l’organisation du travail et de l’industrie, et de ne voir dans la réforme politique qu’un moyen d’obtenir les réformes sociales réclamées par l’esprit du siècle. » Mais