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couleurs plus ou moins prononcées sur la rédaction, qui était plutôt un recueil de pensées individuelles que l’expression de tendances collectives. » Les fondateurs se séparèrent bientôt ; une partie, reprenant le titre, firent de la Ruche une revue philanthropique, avec deux ouvriers typographes, Duquesne et Coutant, pour principaux rédacteurs ; le reste vint à l’Atelier, on publia une nouvelle feuille périodique sous le titre de l’Union, qui, sous l’impulsion de l’ouvrier horloger Charles Gaumont, « prit singulièrement à cœur l’affranchissement des noirs. » Politique mixte de communisme vague et de libéralisme illimité ; rédaction mêlée de lettrés et d’illettrés ; d’abord, Gaumont ; puis Guémier, artiste, Desplanches, tailleur, Geniller, professeur, Savinien Lapointe, ouvrier cordonnier, etc. L’année 1841 vit naître : à Lyon, le Travail, recueil mensuel ; « fondé par une réunion d’ouvriers, il n’eut que deux ou trois livraisons ; » à Paris, le Populaire de Cabet, où les ouvriers ne furent admis, mais ils le furent « largement, » qu’à titre de correspondans. « M. Cabet n’était pas d’avis que les ouvriers essayassent d’écrire des journaux. » Une autre feuille, mensuelle comme le Travail, parut deux ou trois fois sous le titre de l’Humanitaire. Elle « professait un communisme si brutal et si dévergondé qu’elle eût été certainement désavouée par la généralité des partisans de la doctrine si les fondateurs de cette feuille n’eussent été poursuivis pour cause ou sous prétexte d’association secrète. » Communiste aussi, et extrême, la Fraternité, dont on a déjà dit un mot, et qui connut deux périodes ; la première, en 1841, où les ouvriers ne participaient qu’exceptionnellement à sa rédaction ; la seconde, où ce ne fut au contraire que par exception que les lettrés y participèrent. « Les fondateurs et rédacteurs de ce recueil, le plus sérieux et le plus moral que puisse comporter la doctrine, » étaient, rappelons-le, Savary, ouvrier cordonnier, « élève de Buonarroti et de Charles Teste ; » Mallarmet, monteur en bronze ; Adam, cambreur ; Charassin et Benoit (du Rhône), représentans ; Stévenot, ouvrier typographe, etc. Même avec eux, avec les communistes, à part les fous, l’Atelier mourant tire gloire de ce que « la presse ouvrière n’a jamais essayé de s’attirer une nombreuse clientèle parmi les travailleurs en les flattant, et en affectant ce langage trivial et grossier que le fameux Hébert avait mis à la mode dans son Père Duchêne, et qui trouva, après Février, de tristes