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MM. Charles Richet et Héricourt, qui, en 1888, montrèrent que le sang d’un animal infecté par un microbe rend les autres animaux réfractaires à ce microbe. Mais elle n’est entrée dans la voie triomphale des applications thérapeutiques que par les travaux mémorables du docteur Roux et sa découverte de la toxine diphtérique. Elle consiste à injecter à l’homme le sang ou plus généralement les humeurs d’un animal auquel on a inoculé progressivement la maladie que l’on veut combattre. Cette inoculation provoque chez l’animal des réactions défensives caractérisées par la présence dans ses humeurs de corps nouveaux, appelés anticorps, qui combattent et détruisent les toxines de la maladie elle-même. Tandis donc que la vaccination consiste à inoculer la maladie, la sérothérapie fournit au contraire directement à l’organisme malade les antidotes de cette maladie. Il n’est guère douteux d’ailleurs que la vaccination produit également des anticorps, mais dans le corps même du malade à soigner, tandis que la sérothérapie les produit dans le corps de l’animal qui fournit le sérum. Et c’est par là que la vaccination est, si j’ose dire homéopatique, tandis que la sérothérapie est allopathique.

Quel est exactement le mécanisme de l’immunité conférée par ces méthodes ? Voilà une question qui domine toute cette médecine nouvelle et à laquelle le savant sous-directeur de l’Institut Pasteur, M. Metchnikoff, a apporté des réponses singulièrement lumineuses et suggestives.

M. Metchnikoff a examiné d’abord au microscope ce qui se passe dans l’intimité des tissus de certains animaux inférieurs et transparens à la lumière, lorsqu’on les blesse ou leur incorpore des microbes. Puis il a pu étendre ses recherches aux animaux supérieurs et démontrer que le mécanisme de la résistance était le même chez eux : elle se fait grâce à des cellules mobiles qui se précipitent en troupe à l’endroit lésé ou menacé, englobent les microbes, puis les digèrent, comme font les fourmis lorsqu’un petit animal vient malencontreusement tomber dans leur fourmilière. D’où le nom de phagocytes donné à ces cellules qui sont les gardiennes vigilantes de la cité que chaque homme porte en soi. Si l’immunité est naturelle (comme pour les maladies non transmissibles à l’homme), les phagocytes possèdent, dès la naissance, la propriété de détruire les microbes. Si elle est acquise, cette propriété leur est conférée par la vaccination ou la sérothérapie.

Cette simple et belle doctrine de la phagocytose, si ingénieuse et si philosophique et qui nous montre dans notre corps, comme en un