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consommation du salut. « Den helligen Speer, ich bringe ihn euch zurück. La sainte lance, je vous la rapporte. » Les paroles françaises ne rendent ni l’énergie, ni l’élan des paroles allemandes. Surtout, en aucune langue, il n’est de paroles qui puissent égaler ces quelques notes, ou seulement en approcher. L’éclat, le rayonnement d’une telle entrée est indescriptible. Parsifal a guéri le roi. A son tour il balance au-dessus des chevaliers à genoux le calice resplendissant. Les divines mélodies flottent de nouveau dans l’air, tous les thèmes sacrés reparaissent. L’orchestre, — et quel orchestre ! — semble s’épancher en torrens de miséricorde et d’amour. Les harpes littéralement ruissellent. Tout prie, tout adore et rend grâces : « Une immense bonté tombe du firmament. » D’un suprême coup d’aile, les grandes cantilènes mystiques s’enlèvent jusqu’au ciel. Pour définir la nature et le sentiment de cette musique, il ne faudrait que des mots comme « enthousiasme, » « apothéose, » tous ceux enfin dont l’origine ou l’étymologie implique l’idée et le nom même de Dieu. On a raconté que Wagner, adressant à Nietzsche un exemplaire de son poème de Parsifal, avait écrit au-dessous de son nom : « Membre du Conseil supérieur de l’Église. » De l’Église, de notre Église catholique, le musicien de Parsifal, comme, trente années auparavant, celui de Tannhäuser, ne fut pas et ne pouvait pas être un « conseiller. » Mais il en fut du moins, à sa manière, un apôtre. Il le fut par le génie, sinon par la croyance et, de même que Tannhäuser, Parsifal restera l’un des plus magnifiques hommages que la musique de théâtre ait jamais rendus à notre foi.


Oui certes, Parsifal, mais non pas tout entier. La durée intégrale de l’œuvre se compose de beaux momens, de momens sublimes, et de rudes quarts d’heure. S’il fallait, après les uns, dénombrer les autres, l’espace ici nous manquerait. Hormis l’incident admirable du baiser de Kundry, avec les suites, — inaccoutumées, — qu’il comporte, le second acte nous parut toujours, et cette fois encore, un abîme, à moins qu’il n’en soit une montagne, d’ennui. Ici le vide est plus sensible, et là c’est le poids. On vante trop le chœur des Filles-Fleurs. Le chromatisme à la longue en est agaçant, acide même ; l’intonation générale aiguë et tant soit peu criarde. En outre pour qualifier leurs façons, — ne fût-ce que leurs façons musicales, — on dirait volontiers, en allemand, de ces aimables jouvencelles : « Sie kaketlteren, » et le mot exprimerait bien ce que, dans leurs gentillesses germaniques, il y a de minauderie et d’apprêt. Fastidieuse, au début du second acte, est