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quatrième Etat peut le dire maintenant ; aujourd’hui comme alors, il y a privilège parmi les individus, privilège dans les classes, privilège dans les communes, privilège dans les professions... »

« La classe ouvrière » et « la classe ouvrière » sacrifiée, voilà ce qu’il fallait ne pas se lasser de prêcher. Aussi M. Jules Guesde insistait-il, en 1878 encore, dans la République et les Grèves, en 1879, dans Collectivisme et Révolution. En 1878 : « Le prolétariat français finira-t-il par ouvrir les yeux, par comprendre qu’il ne doit compter que sur lui-même, et par s’organiser en conséquence, c’est-à-dire en parti distinct, sur le terrain de la République, bien entendu, mais loin des républicains de la classe dirigeante et contre eux ? » En 1879 : « La révolution est nécessaire. Il est nécessaire de mettre la force au service du droit. » Quant à cette force, il se peut, quoique rien ne permette de l’espérer, qu’elle soit le bulletin de vote, comme il se peut qu’elle soit le fusil. »

On le voit ; l’année du Congrès de Marseille, l’année des élections municipales, M. Jules Guesde lui-même s’interroge entre les deux routes. La Force sera-t-elle le bulletin de vote, quelques semaines après la promesse des « quinze mille voix ? » Sera-t-elle le fusil, huit ans après la défaite de la Commune par le fusil ? Le seul point dont il veuille demeurer assuré est que ce sera la force, la force au service du droit, la classe ouvrière acharnée à la lutte des classes et l’avènement de cette classe. C’est écrit !

Quand un certain nombre de fidèles se sont assemblés autour de cette sorte, je n’ose dire de « chaire, » mais de tribune de vérité, quand ils ont entendu, quand ils se sont signés, on comprend que la protestation du blanquiste Ni Dieu, ni maître, blâmant « la préoccupation de séparer les intérêts du prolétariat de ceux de la nation, ce qui équivaut à reconnaître pour légitime la prétention pareille des privilégiés à former une classe distincte » (à la suite des deux congrès rivaux du Havre, 20 novembre 1880) et rappelant invariablement l’Une et Indivisible, on comprend qu’un tel cantique sonne comme un air vieillot, ou plutôt ne sonne plus, et qu’il n’y ait plus de vibration et d’émotion que dans le mythe.

« Nous tous qui souffrons et qu’on outrage, nous sommes la foule immense, nous sommes l’Océan qui peut tout engloutir.