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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/125

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topique de la duchesse-mère de Weimar, Amélie, qui, après avoir rendu justice à son honnêteté, ajoute néanmoins : « Il est vrai qu’en revanche il n’est pas bon administrateur, qu’une grande partie de l’argent qu’il emprunte à la fortune de sa femme passe à des futilités inutiles, qu’il a fait des dépenses de représentation dont il pouvait éviter la plus grande part et qu’il s’est ainsi placé par sa faute dans une situation embarrassée. »

Mme de Schardt, née d’Irving, dont la famille se disait d’origine écossaise, était au contraire une femme de grand mérite, courageusement dévouée à des devoirs difficiles et soutenue dans ses épreuves conjugales ou maternelles par une solide piété protestante : elle y joignait le goût innocent de la littérature pastorale et des petits vers de bergeries. Elle transmit ses qualités les plus sérieuses à sa fille Charlotte, l’aînée de onze enfans dont cinq seulement survécurent et dont nul autre qu’elle ne devint, à quelque degré que ce fût, remarquable. De ses frères et sœurs pareillement médiocres (quelques-uns même héritiers de la bizarrerie paternelle), on la distinguait, on l’exceptait d’ordinaire, mais non sans lui reconnaître avec eux quelque ressemblance. Traçons donc à grands traits leur silhouette.

L’aîné des garçons, Ernest-Charles, fut un administrateur étroit et routinier, bien que consciencieux et sûr. Il devint le mari de Sophie de Bernstorfi, qui a joué un certain rôle dans le Weimar de l’époque classique, aux côtés de sa belle-sœur Charlotte, et qui était désignée chez les Stein par le surnom affectueux de la « petite tante. » Le second des Schardt, Louis, embrassa la carrière des armes, qui se réduisit pour ce gentilhomme à un pur service de parade dans les antichambres de Weimar. Il se fit surtout connaître comme danseur comique, apprécier par ses « cabrioles, » et finit par un mariage absurde et suspect vers la fin de sa vie. La plus jeune des filles, Amélie, appelée Malchen dans la famille, était d’esprit fâcheusement borné et dut passer sa vie dans un chapitre protestant de filles nobles. Enfin Louise de Schardt, fort belle personne, mais sans portée intellectuelle, fit le plus singulier mariage en épousant le baron Charles d’Imhoff, gentilhomme du pays de Nuremberg.

Ce personnage s’était, dans sa jeunesse, enflammé d’amour