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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/164

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vit honnir tout à la fois les hommes du Roi et ceux de La Fayette, les modérés plus encore que les royalistes, (c Je vois avec douleur, crie-t-il, qu’il faut un supplément de Révolution. »

Il croit en trouver l’occasion dans la fuite du roi Louis, en juin 1791. Dans cette « crise de Varennes, » Danton joue un rôle qui paraît à première vue celui d’un « républicain » de la première heure. Après avoir étudié l’événement au point de vue très spécial des projets de Danton, tout me porte à croire qu’il travailla moins pour la République que pour Philippe d’Orléans, qui, depuis 1789, cultivait fort les « Cordeliers, » et leur état-major, et qu’on verra Danton favoriser plus ou moins ouvertement jusqu’aux derniers jours de 1792.

Quoi qu’on en doive penser, Danton, après d’évidentes hésitations, se range soudain parmi les Jacobins extrêmes qui, après comme avant le retour du Roi, réclament sa déchéance. Et s’il ne paraît point au Champ-de-Mars, ce 17 juillet où une pétition nettement républicaine fut portée sur l’autel de la Patrie, si, par conséquent, il n’est point pris dans la sanglante bagarre qui suit, son attitude pendant les jours précédens a été telle au club ou dans la rue, qu’il n’en est pas moins compromis dans l’échauffourée et poursuivi devant le tribunal saisi de l’affaire.

Il disparaît : il va se terrer à Arcis, enchanté d’ailleurs toutes les fois qu’un prétexte lui est donné de regagner sa maison de province et, protégé par le fanatique amour des Jacobins du lieu, il peut y passer trois semaines sans être inquiété. On en fait, à Paris, mille contes. L’événement paraît singulier, et des « purs » commencent à suspecter ce séjour paisible à vingt lieues de Paris sous l’œil bienveillant du commissaire du Roi. Il estime peut-être qu’il faut se donner, un peu plus, l’apparence d’un proscrit. Puisque le procès s’instruit au tribunal, il affecte de se croire plus sérieusement menacé et part pour l’Angleterre. Quel agitateur n’a rêvé de connaître, fût-ce un instant, un de ces exils d’où l’on revient avec une popularité accrue et, pour l’avenir, la possibilité de beaux effets de tribune ? Le 5 septembre cependant, apprenant que les élections à la Législative tournent bien pour ses amis, il se décide à rentrer à Paris, — encore que sous le coup d’un mandat d’arrêt.

C’est qu’il espère être lui-même parmi les élus. Je dirai comment l’opposition très vive, non de ses adversaires naturels, mais peut-être de quelques amis (cela se voit) l’écarta, dans une