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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/167

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des soldats, est prête à se dissoudre. Et, dans l’Ouest (Danton le sait par un de ses agens), une conspiration se trame, destinée à soulever la Bretagne. Les provinces acceptent mal la chute du trône : on n’y est pas pour la République (Danton l’affirme en plein Conseil). A Paris même, tout est division : dans l’Assemblée, Girondins et Montagnards s’opposent déjà les uns aux autres et, entre l’Assemblée et la Commune insurrectionnelle du 10 août dont l’arrogance est bientôt intolérable, c’est le conflit de toutes les heures, La France envahie semble se livrer.

Il faut vraiment reconnaître qu’à cette heure, Danton seul agit et tient bon. Devant l’invasion menaçante, députés et ministres parlent de quitter Paris, de transporter le gouvernement en province. Danton n’a foi, lui, que dans la dictature provisoire de Paris pour sauver la France et la Révolution. « La France est dans Paris ! » crie-t-il, et, dans le Conseil, dans les couloirs de l’Assemblée, il proteste : « J’ai fait venir ma mère qui a soixante-dix ans, j’ai fait venir mes deux enfans : ils sont arrivés hier soir. Avant que les Prussiens entrent à Paris, je veux que ma famille périsse, je veux que 20 000 flambeaux, en un instant, fassent de Paris un monceau de cendres. » Il émeut et presque rassure.

Mais il ne se contente pas de parler. Il agit, — et de toutes les façons. Ayant complètement subjugué ses collèges, il s’est fait le ministre de la défense nationale : les ministres des Relations extérieures, de la Guerre et de la Marine sont ses agens supérieurs ; seul Roland, ministre de l’Intérieur, lui est aigrement hostile ; mais, s’il l’agace, il ne le peut arrêter. Alors il s’empare de l’Etat ; il lie partie avec Dumouriez, lui fait crédit, le charge de réorganiser l’armée, l’encourage, l’entraîne, lui envoie de l’argent et des hommes. En même temps, sa diplomatie retient et presque reprend l’Angleterre avec qui il rêve une alliance ; mais, miracle plus extraordinaire, cette même diplomatie, doublant l’action de Dumouriez, travaille utilement le roi de Prusse : tenu en échec, mais si peu, à Valmy, on verra Frédéric-Guillaume ouvrir des négociations et se retirer dans des circonstances qui, pour mystérieuses qu’elles soient, peuvent cependant s’expliquer. Mais, si Danton a su exploiter les méfiances de la Prusse contre l’Autriche, si d’habiles agens, tous à Danton, ont su envelopper le Roi et, disent bien des gens, répandre l’or à propos parmi ses serviteurs, il n’en va pas moins que c’est en