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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/168

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faisant se lever la France, en la jetant enfiévrée et presque enivrée de patriotisme derrière l’Argonne, que Danton a préparé la reculade des Prussiens. Leur Roi, ébranlé par une résistance, quelques jours avant inattendue, a été, de ce fait, plus accessible aux ouvertures. Par là, Valmy a sauvé le pays.

Malheureusement, cette fièvre n’entraîne point seulement la Nation aux plus nobles élans, elle permet à des misérables d’organiser dans les prisons les effroyables massacres de Septembre. Pour beaucoup de gens, ce hideux épisode met une tache ineffaçable au front de Danton. A bien étudier tous les témoignages et à bien examiner les faits, il est difficile de l’en laver complètement. Certes, il paraît bien (j’en donnerai les preuves) qu’il n’a pas voulu les massacres et qu’il a essayé de sauver des victimes ; il n’est pas sûr qu’il n’ait pas approuvé cet « accès de fièvre ; » il est certain que, pouvant l’empêcher, il ne l’a pas fait. Il est donc impossible, quelque sentiment qu’on ait de Danton, de ne pas laisser retomber sur lui une grosse part de la responsabilité des massacres de Septembre. Mais il est, d’autre part, impossible de ne lui point attribuer une part énorme à la libération du territoire, qui est chose faite à la fin d’octobre.

Et c’est de cela que la Nation lui est reconnaissante. Élu à la Convention, il sort du ministère entouré d’un prestige singulier dont témoignent à peu près tous les contemporains.

Est-il étonnant qu’à la Convention, il prenne immédiatement une place énorme ? Le « Cyclope, » le « Titan, « l’ « Hercule, » comme l’appellent amis et ennemis, s’impose, il est l’homme le plus en vue de l’Assemblée.

Chose étrange, il semble au début ne vouloir profiter de cette situation, lui, le tribun violent des Cordeliers, que pour prêcher tout à la fois la modération et la conciliation. La première motion portée à la tribune de la Convention l’est par lui ; or elle ne vise point, ainsi qu’on s’y attend, à faire proclamer la République, mais bien à faire déclarer la propriété « éternelle. » Le premier geste de ce révolutionnaire est ainsi un geste conservateur. Il est caractéristique de toute une mentalité. De son passage aux affaires, Danton garde l’idée qu’il faut « faire l’union » non seulement des révolutionnaires, mais de tous les Français. Je montrerai plus au long quel était ce plan d’apaisement et comment s’y rattachent presque tous les gestes de Danton pendant les premiers mois de la législature. Il ne prône