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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/169

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pas seulement le respect de la propriété, mais le respect des consciences, s’écriant que, si lui s’est affranchi des doctrines religieuses, il jugerait criminel de priver tant de croyans des secours de « l’homme consolateur. » Il aimerait écarter tout sujet de discussion. Je pense démontrer qu’il espéra sauver le Roi (Robespierre l’en accusera violemment un jour), et commença à y travailler. Pour ce motif et d’autres encore, on le voit tendre la main à la droite de l’Assemblée et, sans désavouer la Montagne, s’éloigner parfois d’elle, lorsqu’elle s’incarne dans Marat et Robespierre, pour tenter de s’allier à Vergniaud et à Brissot.

Beaucoup de membres de la Droite répondent tout d’abord à son appel. On le voit, seul des membres de la Montagne, porté aux grands Comités et au bureau même de l’Assemblée, peuplés de Girondins. Mais tout un groupe refuse de désarmer : ce sont les amis personnels des Roland. Mme Roland a voué à Danton une haine de femme, dont un morceau de ses Mémoires, tout récemment retrouvé, dit toute la violence. Or, le salon Roland est, pour la Droite, un salon directeur. Et le salon Roland a juré d’abattre Danton. Certes, pour répondre aux appels du tribun, il lui faudra beaucoup pardonner : ces gens le tiennent sincèrement pour un personnage à la fois vénal et cruel : ils lui attribuent tous les vices et tous les crimes. Loin de les lui pardonner, ils veulent l’en accabler, l’éclaboussant du sang de Septembre, réclamant les « comptes » de l’ex-ministre, tenu pour prévaricateur. Parfois Danton perd patience, riposte violemment, attaque nommément à la tribune Mme Roland ; et, malgré son désir, le fossé s’élargit. Alors, il s’exaspère d’être, malgré lui, rejeté dans les bras de Robespierre et de Marat. Il enrage d’être « mal connu. » Dans le même discours, on voit se succéder des appels désespérés à l’union et des gestes de violence brutale. Ce qui le désespère, c’est que le Roi va être la victime de cette querelle : il faudrait que, pour le sauver, la Gironde et Danton fussent d’accord : Dumouriez, de la Belgique qu’il occupe, prêche à ses amis de la Gironde l’oubli des injures vis-à-vis d’un homme dont il apprécie le génie et le patriotisme. C’est en vain.

Alors, dégoûté de cette lutte, désireux peut-être de ne pas assister au procès du Roi, inquiet de ce qui se passe en Belgique, il s’y fait envoyer et en prépare l’annexion. Pour justifier cette annexion, on voit Danton se jeter avec sa fougue ordinaire