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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/175

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du tribunal devant lequel, après la Reine et les Girondins, il devait, un an après, comparaître lui-même.

Mais plus que l’organisation du Tribunal, le renforcement du pouvoir exécutif lui paraissait nécessaire. Sa faiblesse venait de l’erreur où était tombée la Constituante, interdisant à tout député de recevoir un portefeuille. Une telle disposition ne permettait de confier le ministère qu’à des sous-ordres, d’où la dangereuse inaction du Conseil. Évidemment, il se lassait lui-même d’être réduit, s’il restait membre de l’Assemblée, à son rôle de simple excitateur. Sans doute il essaya de donner à sa proposition une allure désintéressée : « jurant par la patrie » qu’il « n’accepterait jamais une place dans le ministère, » il voulait qu’on autorisât les députés à y entrer. Qui, en effet, parmi les députés « ne sentait pas la nécessité d’une grande cohésion » entre les agens du pouvoir exécutif et les députés « chargés de la défense extérieure de la Révolution ? »

La motion était d’un esprit réaliste et pratique. Mais les accusations de dictature, dirigées contre son auteur, depuis sept mois, étaient si violentes qu’il lui fallait une incroyable hardiesse pour oser la formuler. Ses précautions ne désarmèrent pas et Larevellière vint, de sa voix aigre, s’opposer « à une tyrannie nouvelle. » Il ne se fit pas faute de ranimer les défiances contre ces « hommes d’une grande audace » dont l’arrivée au pouvoir serait peut-être le signal d’une dissolution de l’Assemblée. » « Je ne cesserai, ajoutait le député de la Droite, de poursuivre ces tyrans, brigands qui, bien logés, bien nourris, bien vêtus, vivant dans les plaisirs, s’élèvent avec fureur contre ce qui jouit de quelque aisance. » L’allusion était claire : la Droite, enchantée, fit un succès au bossu, entraîna le Centre, tandis que la Montagne elle-même abandonnait Danton. Il retira sa proposition, — la plus raisonnable qu’il eût faite. Mais Louvet allait s’écrier, dans des brochures sur la « faction d’Orléans, » que Danton avait « découvert une des plus importantes parties de son plan » et platement échoué. Calomnié ou deviné, Danton dut emporter de cette séance de nouveaux motifs de colère.


Il jugeait avec raison que la Commission de défense, où la Gironde avait repris la majorité, était incapable de faire front à une situation vraiment épouvantable.