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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/201

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pensantes, monde divin ou monde des forces cosmiques qui gouvernent de par les archétypes ou Idées éternelles ; s’il annonce que ces trois mondes sont trois sphères concentriques qui se pénètrent de leur rayonnement, la plus vaste, celle du monde spirituel, éclairant les deux autres de sa lumière ; s’il nous l’affirme, avec une sincérité manifeste, avec un émouvant désir de nous convaincre et avec le bel argument de sa sereine poésie, nous lui cédons, charmés parfois. Comment ne pas lui céder, au surplus ? S’il donnait une petite preuve, nous discuterions. Il n’en donne aucune : alors nous n’avons qu’à nous incliner. Mais, s’il arrive que ses affirmations, également catégoriques, tombent sur des objets qui n’échappent pas tout à fait à notre enquête, nous sommes épouvantés de le voir si catégorique. Ainsi, nous ignorons le secret d’Eleusis. Toutefois, nous avons pu visiter les ruines du sanctuaire éleusinien ; nous avons pu examiner tous les documens que l’antiquité a laissés, touchant les mystères des deux déesses, la mère et la fille, Déméter et Coré. Ensuite, lisons, dans les Grands Initiés, la chapitre intitulé « Les mystères d’Eleusis. » Je le répète, nous sommes épouvantés de l’assurance avec laquelle nous est contée la fête éleusinienne : les petits documens, les seuls et authentiques, disparaissent dans une extraordinaire fantasmagorie. L’auteur a « deviné. » Ce n’est point une hypothèse qu’il nous propose : c’est une vérité qu’il nous inflige. Comment contrôler ses dires ? et, lui-même, qui a dû choisir entre plusieurs inventions, quel fut le principe de son choix ? Il répondra que, se fiant à l’unité des doctrines ésotériques, il a procédé par analogie. Mais toutes ces doctrines, étant ésotériques, nous sont cachées. Donc n a dû, toutes, les deviner. Ainsi, l’aide que l’une de ses divinations tire des autres, les autres l’ont tirée d’elle pareillement. Cercle vicieux, cercle magique, intuition, vision ! Et l’on nous dérange sans pitié de nos habitudes archéologiques.

La fougue affirmative n’est pas moins vive et impérieuse dans le nouveau livre de M. Edouard Schuré, la Druidesse. Avant le drame, une magnifique étude, « le Réveil de l’âme celtique, » nous conduit à la pensée de l’auteur. M. Edouard Schuré considère que nous assistons à un grand et admirable phénomène, présentement. L’âme celtique avait, en apparence, perdu sa puissance efficace : elle renaît et nous verrons sa résurrection splendide. Renaissance française : « l’idée celtique tend à devenir le principe cristallisateur des autres élémens de la race et de la tradition. » S’il faut l’avouer, nous ne le savions pas !... M. Edouard Schuré, pour une fois, ne se contente pas d’une affirmation catégorique ; le réveil de l’âme celtique, il va nous le montrer.