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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/211

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gens qui ne savent pas, et c’est le plus grand nombre, nil admirari... sed intelligere.

Tout le contraire a lieu pour cette maladie dont on n’osait pas parler, dans la bonne compagnie, avant que M. Brieux eût le courage de la mettre en scène. Pourtant, je n’approuve point le nom d’ « avarie, » que l’éminent dramaturge a substitué à un vieux mot mal famé. Il n’est point précis, ni spécifique, et il est trop péjoratif, car il n’est aucune maladie qui ne soit une avarie pour l’organisme ; et puis, ce n’est point en modifiant le nom des choses qu’on en change le caractère. Nous continuerons donc à l’appeler de son vieux nom médical, la « syphilis, » dont l’assonance rappelle les noms que l’on donnait autrefois aux héros des anciennes bergeries. Donc la syphilis est tenue couramment pour une maladie « honteuse, » sous prétexte qu’elle est parfois une des tristes rançons de la débauche, et que celle-ci est honteuse, ce qui est vrai. Mais la syphilis qui contamine l’enfant dans le sein de sa mère, celle qu’il suce avec le lait de sa nourrice, celle qu’une innocente jeune femme reçoit d’un mari criminel, en quoi ces pauvres victimes doivent-elles en être honteuses ? Laissons là ces vains préjugés ; la science et la vérité ne les peuvent épouser. Ce qu’il faut qu’on sache, et nous le dirons tout à l’heure, c’est que cette maladie est, après la tuberculose, la plus funeste au genre humain, et qu’il convient de l’en protéger pour l’avenir de la race. Ce qu’il faut qu’on sache, on doit pouvoir y penser ; et il n’est point de choses, quoiqu’on en ait dit, auxquelles il faille penser toujours sans pouvoir en parler jamais


Les ravages du cancer sont vraiment effrayans. En 1911, les décès causés par lui en France ont atteint la moitié des décès par tuberculose pulmonaire et dépassé de beaucoup le total fourni par toutes les maladies épidémiques réunies. Il y a en Europe 70 à 100 cas de cancer pour 1 000 habitans contre 6 seulement en Chine, et 5 à Ceylan. La mortalité par cancer paraît augmenter d’année en année, si l’on s’en rapporte brutalement aux statistiques officielles. Cette augmentation est-elle réelle ? C’est une question fort agitée en ce moment dans les milieux médicaux. Pour les uns, il n’y a là qu’une augmentation apparente due à diverses causes. D’abord, le diagnostic des cancers internes, qui souvent naguère passaient inaperçus, a fait des progrès remarquables ; ensuite, on opère beaucoup plus que par le passé les cancers in extremis ; les malades demandent plus volontiers