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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/212

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et plus fréquemment l’avis de leurs médecins ; enfin, la durée moyenne de la vie humaine augmente d’année en année, et comme le cancer est une maladie de gens ayant dépassé la maturité, rarement de jeunes gens, très exceptionnellement d’enfans, il est naturel que la fréquence absolue du cancer paraisse augmentée sans que sa fréquence moyenne relative, à un âge donné, le soit en réalité. Enfin un autre argument tend à la même conclusion : si on répartit les cancers en deux groupes, ceux qui sont visibles, superficiels et facilement reconnaissables, et ceux qui sont cachés et profonds, on trouve que l’augmentation apparente porte sur le second groupe. Nous verrons, il est vrai, tout à l’heure M. Borrel, de l’Institut Pasteur, interpréter tout différemment ce fait, que, proportionnellement aux cancers de la peau et de la face, ceux du tube digestif (qui comptent 65 pour 100 du nombre total des cas) paraissent augmenter. De l’autre côté de la barricade, certains médecins affirment que la progression du cancer est réelle ; cette manière de voir s’accorderait assez avec les idées si originales, si profondes que M. Le Dantec vient de développer sur l’origine de ce mal<ref> Biologica, 15 février 1914. < :ref> et que nous examinerons.

On voit que la statistique, avec son apparence de brutale logique, est une arme bien délicate à manier. Les faits qu’elle nous apporte sur la répartition du cancer et sa dissémination ne sont guère plus faciles à interpréter. Il semble plus fréquent dans les pays du Nord de l’Europe que dans ceux que baigne la Méditerranée, et surtout dans les vallées, près des cours d’eau, dans les pays de culture maraîchère. Les recherches entreprises par l’Impérial Cancer Researche fund dans la totalité de l’Empire britannique ont montré que certaines races indigènes présentent une répartition du cancer, selon les organes, tout à fait autre que chez les Européens. L’interprétation de tous ces faits est encore trop délicate pour que nous nous y risquions.

Il faudrait d’abord que fussent résolues ces trois questions : en quoi consiste le cancer ? quelle est sa cause ? comment le prévenir et le soigner ? De ces trois problèmes, le premier est, hélas ! le seul dont la solution est aujourd’hui acquise.

Chez l’homme comme chez les animaux, le cancer est caractérisé par une tumeur qui se développe en un point du corps, formé de cellules histologiquement à peu près semblables aux cellules normales, et qui se développent et prolifèrent indéfiniment comme un être nouveau et parasite implanté sur le malade, en détruisant et digérant tous