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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/222

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son ami le comte de Lamberg, dans le billet d’introduction dont il l’avait muni, n’hésitait pas à qualifier de « personnage justement célèbre et célébré. » « La rencontre de cet homme aimable et rare fera époque dans votre vie ! » ajoutait Lamberg, — sans se douter de la portée prophétique d’une phrase qui n’était évidemment, à ses yeux, qu’un simple « cliché » de politesse mondaine. Il est vrai qu’Opiz n’avait dû qu’à un hasard l’honneur et la joie de cette mémorable visite. « Votre ami était fort pressé pour rencontrer encore la princesse Lubomirski à Carlsbad, — écrira-t-il à Lamberg le 15 août suivant ; — mais comme il y avait quelque chose de cassé à son carrosse, cette circonstance l’a obligé de s’arrêter à Czaslau deux heures, qu’il a passées en ma compagnie. » Il n’en bénissait pas moins la chance merveilleuse qui lui avait ainsi procuré le moyen de joindre, dorénavant, à la liste de ses amis « un homme pleinement digne de considération et d’amour, un philosophe bienveillant dont la patrie est l’Univers entier, et qui, même dans les rois, n’estime que les hommes. »


Encore les relations amicales de J. F. Opiz avec ce « bienveillant philosophe » n’ont-elles commencé proprement que trois années plus tard, lorsque l’inspecteur de finances a appris que le susdit philosophe était devenu l’hôte et le commensal attitré d’un personnage auprès duquel leur commun ami M. de Lamberg lui-même ne lui apparaissait qu’un modeste hobereau : le très noble comte de Waldstein-Wartenberg, chef de la principauté de Dux en Bohême. De ce coup, l’estime d’Opiz pour le familier d’un aussi haut seigneur s’est traduite en une série de lettres toutes pleines des complimens les plus enthousiastes ; et chacun des nombreux écrits publiés depuis lors par l’ « ermite de Dux » a valu à celui-ci, de la part de son « ardent vénérateur » de Czaslau, des éloges qui relevaient au-dessus de tous les autres écrivains anciens et modernes. De telle sorte qu’un jour, le 31 août 1790, l’hôte du comte de Waldstein, délicieusement touché de ces flatteries sous son faux air d’indifférence désabusée, a résolu de soumettre à l’appréciation de son « vénérateur, » un nouveau travail qu’il venait d’achever, — et qui est consacré à l’examen de quelques problèmes de géométrie, tandis que ses ouvrages précédens relevaient surtout des genres plus « légers » du roman et de la narration autobiographique. Solution du problème héliaque et Corollaire à la Duplication de l’Hexaèdre : tels étaient les titres des deux mémoires envoyés à Opiz par son « aimable » correspondant de Dux. Le comte de Lamberg