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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/223

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avait révélé à ce dernier que l’inspecteur de finances se trouvait être un « bon arithméticien ; » et aussi se promettait-il dorénavant de « prendre souvent la liberté de le consulter. »

Sur quoi J. F. Opiz, ravi de l’hommage que signifiait pour lui une pareille « consultation, » s’est plongé tout entier dans l’étude des deux mémoires. Dès le 26 septembre 1790, quelques jours après la réception du second d’entre eux, il a « communiqué » à l’auteur la traduction française d’un long « jugement » intitulé : Le Cube dupliqué de Casanova (car c’est ainsi que s’appelait son correspondant), en ajoutant qu’il le « tirait de ses Éphémérides polygraphes. » Parmi d’abondantes louanges, ce jugement du « bon arithméticien » prouvait de la façon la plus formelle au géomètre improvisé que sa prétendue « solution » n’avait pas le sens commun. Admirable trait de franchise « philosophique, » et le mieux fait du monde, — se disait sans doute notre homme, — pour lui conquérir la sympathie respectueuse du comte de Waldstein, par delà celle de son hôte et ami. Mais la réponse de Casanova, telle qu’il la reçut quelques jours après, ne faisait aucune mention de l’auguste seigneur. D’un ton où perçait clairement la mauvaise humeur d’un homme peu accoutumé à se voir contredit, l’auteur des mémoires s’efforçait à son tour de prouver que le pauvre Opiz n’avait rien entendu à son raisonnement ; et voici en quels termes il annonçait à son « vénérateur » son projet de réfuter ses objections dans un prochain écrit :


Je ne manquerai pas de vous nommer dans mon Troisième Corollaire. Mais je vous avertis que j’y dirai : M. Opiz, et non pas : Opiz, car vous vivez encore. Actuellement on dit : Newton, Leibnitz, d’Alembert ; mais remarquez que, de leur vivant, on ajoutait à leurs noms la civile épithète de « Monsieur. » On dit aujourd’hui : M. Lagrange, M. Formey, M. Opiz et M. Casanova, car nous ne sommes ni esclaves, ni charlatans, ni rois. Si la coutume de nommer les honnêtes gens sans les honorer du plus mince de tous les titres est de la langue allemande, commencez vous-même, mon cher ami, à la débarbariser ! Vous vous ferez un mérite.


Le coup de griffe du géomètre « incompris » s’accompagnait bien de protestations d’amitié et de reconnaissance, comme aussi de la promesse de ne laisser jamais pénétrer « ni aigreur ni sarcasme » dans les « disputes « futures des deux correspondans : j’ai pourtant l’idée qu’une cervelle moins naïve que celle d’Opiz, moins ingénument gonflée de la conviction satisfaite de sa propre valeur, aurait senti le danger qu’il y avait à prolonger les « disputes » avec un personnage aussi irritable. Mais non : le 8 octobre 1790, l’inspecteur de finances