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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/300

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antique et de la révélation, origine divine de l’éloquence comme de la sagesse, autorité des Pères, nécessité pour la théologie elle-même, si elle veut convaincre, si elle veut être comprise, de s’exprimer purement, noblement, voilà les argumens qu’il développe avec sa solidité habituelle. De ces preuves, il en est une surtout qui lui est chère : cette idée que la science religieuse n’est point elle-même « une science séparée, » mais qu’elle plonge dans la culture générale. La pensée médiévale avait surtout été une dialectique ; la théologie s’était alors pliée aux méthodes de l’abstraction et du raisonnement. La pensée nouvelle est érudite et lettrée : pourquoi la théologie repousserait-elle la philologie et l’éloquence ? Nous touchons ici à la conception même que Budé se fait de la science qui n’est autre qu’une synthèse de l’universel. Entre toutes les formes du savoir, nous n’avons le droit, ni de choisir, ni d’exclure, car toutes s’appellent, se conditionnent, se complètent. Philologie, philosophie, théologie, voilà le cycle complet où doit se former « l’homme raisonnable, » comme la série où se meut l’esprit humain. Dans ces étapes successives, les lettres seront toujours le point de départ, la « sagesse » une halte nécessaire, la science divine la conclusion. Qu’est-elle donc elle-même ? sinon « une philosophie plus sainte qui contemple les choses éternelles, et une foi purifiée qui avec l’aide de la grâce nous transforme... » Budé dira encore excellemment : « La religion... est la sphère infinie » où peuvent, où doivent se mouvoir toutes les connaissances, toutes les actions humaines dans l’unité du savoir et de l’amour.

Voilà donc, dans cette théorie de la science, le christianisme concilié avec l’humanisme, et partant, formulé l’idéal classique, qui dominera pendant trois siècles notre civilisation. Et tel est le service rendu par l’hellénisme à la Renaissance française. Il la ramène au sens de l’universel. Mais n’oublions pas non plus que notre savant est un chrétien. Et ce qu’il voit et ce qu’il dit, c’est qu’à son tour, le christianisme est nécessaire à la Renaissance, et que lui-même doit se réformer pour réformer la société.

Cette conception perce dans le De Asse. Elle s’affermit avec l’âge et à mesure qu’il vieillit. En 1534, c’est pour la défendre que le savant écrira son dernier livre, le De Transitu hellenismi ad christianismum. Cri d’alarme arraché par les désordres et