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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/302

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résisterons « qu’en nous attachant au mât de la doctrine. » Nous « évader est le fait d’une intervention céleste. » Conseils, maximes, découvertes des sages sont condamnés à disparaître ; l’homme ne grandira, ne progressera que par cette énergie divine qui ne cessera d’agir en lui.

C’est ici l’effort nécessaire : rendre à cette société le sens chrétien. « Il n’est plus temps de s’attarder avec les muses dans les défilés du Parnasse, de disputer dans le Portique, à l’Académie, en des entretiens subtils, sur la vie heureuse... Le seul souverain bien, le seul bonheur est de posséder Dieu... A l’école de l’Evangile. « Tâche immense, tâche urgente, qui, pour réussir, demande d’abord à l’Eglise de se réformer elle-même. Non, en vérité, à cette réforme, à la fois intellectuelle, disciplinaire et morale, elle ne peut plus se dérober. Qu’elle change ses méthodes de spéculation, si elle veut parler au siècle la langue du siècle ! Qu’elle supprime les abus de son gouvernement : les dispenses, le cumul, la vénalité, rétablissant, contre l’arbitraire de ses chefs, les garanties du droit ou le contrôle des assemblées ! Qu’elle revienne surtout elle-même à la pratique comme aux enseignemens de l’Evangile. Seul moyen d’y ramener le monde ! Regarder vers le Christ, immoler notre volonté libre entre ses bras, apprendre de lui la voie et les moyens de le suivre, le renoncement, les humiliations, l’amour des épreuves, nous ne serons sauvés qu’à ce prix. Combien même seront sauvés ? La gravité philosophique de Budé ne répugne point à cette doctrine du petit nombre des élus. Il y a déjà du jansénisme dans cette religion.

Mais voici le dernier trait de cet évangélisme. Pour combattre le rationalisme et le libertinage des mœurs, il n’entend pas, comme Luther, sacrifier ni la raison, ni la liberté. Comme Erasme, il n’oppose point : il rénove et concilie.

En 1519, il a pu être favorable à Luther ; avec tous les lettrés d’ailleurs, admirer « sa confiance à revendiquer la vérité, comme la hauteur de son âme. » Dès 1521, quand Luther a rompu avec l’Eglise, il se sépare hautement de ses doctrines. Dans une lettre rendue publique, il écrit alors : « Luther a affirmé des choses inouïes, inconnues depuis longtemps : il a rejeté des opinions qui sont reçues et fixées pour tous... » — Ainsi, pour Budé, pas de réforme possible en dehors de la tradition intellectuelle et doctrinale. Il y a des « questions tranchées