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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/311

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songe même à traduire en vers latins le Miroir de l’âme pécheresse. Aussi bien, serait-il facile d’en retrouver les idées maîtresses dans leurs poèmes. Ces lettrés sont imprégnés de christianisme évangélique. S’ils préfèrent, aux sujets de la fable, les vérités de la Bible, s’ils font des odes sur les Psaumes et mettent saint Paul en épigrammes, si, à l’envi, tous nous parlent du Christ, des doctrines de la foi et de la grâce, c’est beaucoup à Marguerite qu’on le doit. En ce sens, Bourbon ira très loin. Il écrira dans ses Nugæ (1533) ces vers significatifs : « Si la foi sainte te manque dans tes œuvres, ce que tu fais ne peut être que péché... Une bonne partie des hommes aveugles, durs, superbes, comme du granit, croient pouvoir plaire à Dieu par leurs œuvres, mais si vous vous faites justes vous-mêmes, pourquoi a-t-il fallu que le Christ portât sa croix ? — Reconnaissez donc que le Christ est votre justice. Dites-vous : nous sommes le péché et rien que le péché. » — Formules presque luthériennes qui, non moins que ses attaques contre la hiérarchie, vaudront au poète quelques désagrémens avec la justice. A dire vrai, malgré des accens sincères, ce lyrisme mystique n’est guère original. Cependant, dans ce cortège d’humanistes qui gravitent autour de la reine de Navarre, il en est un qui se détache, Salmon Maigret. Celui-ci va représenter une autre forme du mysticisme et comme une dernière évolution.

Maigret est Poitevin. Attaché à la Cour, comme chambellan du Roi, d’humeur tranquille, de vie unie et calme, il est alors le plus célèbre, le moins contesté de ces poètes. Ses confrères l’appellent le « Virgile, » l’ « Horace » français, et aucune voix discordante ne trouble ces éloges. Comme Bourbon, il avait commencé par être un adepte de la Renaissance. Son premier volume de vers, paru en 1528, les Poèmes, n’est guère qu’un recueil de pièces mêlées où il chante l’amour, la campagne, les douceurs de la poésie, les événemens de son époque. Mais lui aussi évolue. Il ordonne sa vie et ennoblit sa muse. Ses Odes, éditées en 1537, ses Hymnes, parues en 1538, sont comme un manuel de piété, un guide pratique de religion. Il publiera un nouveau recueil en 1540, non moins imprégné d’inspiration chrétienne. La mystique a trouvé son poète, celui qui en traduit le mieux toutes les tendances et en unit les élémens.

Nulle œuvre qui ne marque mieux d’abord la réaction qui se fait contre l’intellectualisme de la Renaissance. Maigret est