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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/391

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diable d’homme, à tout instant, reprenait sur la Convention son emprise. Toutes ses motions étaient votées.

Le 24, un coup de tonnerre éclata, mais qui, en apparence, éclaircissait son ciel : Hébert avait été arrêté dans la nuit sur l’ordre des Comités avec toute sa bande. Danton et Desmoulins semblaient triompher. Le tribun entendit souligner le trait, mais aussi profiter de l’événement pour compromettre les Comités. Négligeant de piétiner l’ennemi à terre, il exprima le vœu qu’on cheminât « sans saccades » dans la « carrière difficile où l’on avançait. » Il voyait dans les Comités « l’avant-garde du corps politique. » Il fallait envisager avec calme ces agitations : « Ne vous effrayez pas de l’effervescence du premier âge de la liberté. Elle est comme un vin fort et nouveau qui bouillonne jusqu’à ce qu’il soit purgé de toute son écume. » Ce n’était point parler certes le langage d’un homme traqué. Avec une sorte de sincérité hautaine, il décernait des satisfecit aux Comités et à la Convention, qui « jamais ne lui avait paru si grande. » Il fallait maintenant faire taire les passions personnelles. « Si jamais, quand nous serons vainqueurs (et déjà la victoire nous est assurée), si jamais les passions personnelles pouvaient prévaloir sur l’amour de la patrie, si elles tentaient de creuser un nouvel abîme pour la liberté, je voudrais m’y précipiter le premier. Mais loin de nous tout ressentiment. Le temps est venu où on ne jugera plus que les actions. Les masques tombent, les masques ne séduiront plus, (Visait-il Robespierre et ses amis ?) On ne confondra plus ceux qui veulent égorger les patriotes (c’était Billaud) avec les véritables magistrats du peuple... N’y eût-il parmi tous les magistrats qu’un seul homme qui eût fait son devoir, il faudrait tout souffrir plutôt que de lui faire boire le calice d’amertume... »

Ces paroles n’étaient pas seulement éloquentes, elles étaient habiles. Le vieux Rühl, qui présidait, avait, au début de la séance, reçu fort rudement les membres de la Commune réputés hébertistes et qui, effectivement, étaient venus fort tard désavouer du bout des lèvres Hébert arrêté. Danton, fort évidemment, entendait se les attirer.

Par surcroît, la phrase donna lieu à un incident qui sembla mettre le comble au succès de Danton. Rühl voulut descendre du fauteuil à la tribune afin de s’expliquer. Mais c’était un Alsacien plein de bonhomie et qui aimait Danton de tout son