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trouvèrent en présence sur les rivages de la Grande Syrte. Des conflits éclatèrent pour la délimitation des possessions réciproques. Au VIe siècle avant Jésus-Christ, intervint un règlement définitif. L’histoire se tait sur ces événemens. Seule la légende, qui ne se résout jamais à ignorer, a immortalisé cette brutale contestation de territoires, en la parant de l’héroïsme des frères Philènes.

De la Tripolitaine à la Cyrénaïque, aucun lien : deux civilisations, deux races, deux mondes. Là-bas, le système colonial libyco-phénicien, avec ses villes éparses, simples escales égrenées sur la route des mers ; ici, la colonisation grecque, sous sa forme agricole la plus complète et avec ses procédés traditionnels de peuplement intensif. L’histoire de la Cyrénaïque s’ouvre pour nous au VIIe siècle avant Jésus-Christ, précisément par la fondation de cette colonie de Cyrène à laquelle l’avenir réservait une si brillante destinée.

C’est à Delphes, selon le témoignage d’Hérodote, que naquit l’idée d’établir une colonie grecque sur le sol africain. Les habitans de la petite île de Théra (aujourd’hui Santorin), dans les Cyclades, avaient envoyé une ambassade au temple d’Apollon, pour y offrir un sacrifice solennel. Le roi de l’île, Grinos, était à sa tête. On profita naturellement de l’occasion pour consulter la Pythie. Celle-ci, entre autres réponses, ordonna au roi d’aller fonder une ville en Libye. Après avoir longtemps hésité, les Théréens finirent par s’exécuter. Quelques années plus tard, ils s’installaient sur le revers septentrional du plateau de Barca, et y bâtissaient la ville de Cyrène.

Le chef de l’expédition, Battos, fut, comme il était naturel, le premier roi de la ville. Sa dynastie, la dynastie des Battiades, donna au pays près de deux cents ans de prospérité. Les attaques du roi d’Egypte, Ouhabra, l’Apriès de la tradition grecque, et des nomades libyens, sont victorieusement repoussées. L’agriculture, le commerce maritime se développent. De nouvelles colonies sont fondées ; Barca, qui prit plus tard le nom de Ptolémaïs, Euhespérides, la future Bérénice, l’actuelle Benghasi. Cyrène ne tarde pas à prendre dans le monde grec figure de grande cité. En 462, elle remporte le prix aux jeux pythiques, et Pindare chante la gloire du vainqueur : « O ls d’Alexibios, la lumière des grâces se répand sur toi. Mortel heureux, si ton entreprise fut difficile, les plus beaux vers en consacrent la