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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/415

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ne trouve mieux son application qu’en Tripolitaine et en Cyrénaïque. Le problème se pose également dans les deux provinces, mais sous une forme différente pour chacune d’elles. En Tripolitaine, les pluies sont rares, même sur le littoral méditerranéen, et la quantité décroît à mesure que l’on descend vers le Sud. De plus, ces précipitations se répartissent d’une manière fort inégale ; elles sont presque exclusivement hivernales. L’été est très sec. En 1902, d’avril à septembre, il n’y a eu que deux jours de pluie, et cette proportion n’a rien d’exceptionnel. ^ Pendant l’hiver, les eaux ruissellent avec violence des Djebels vers la plaine et se fraient, à travers les sables de la Djeffara, un chemin jusqu’à la mer. Entre temps, les oueds restent à sec.

En Cyrénaïque, le danger n’est pas dans la faiblesse des pluies. La région est entourée de trois côtés par la mer, et le plateau constitue pour l’humidité marine une zone de condensation intense. « Le ciel est percé au-dessus de Cyrène, avaient dit les Libyens aux vieux colons de Thera, » et Pindare nous parle des « campagnes libyennes qu’obscurcit un ciel nébuleux. » L’eau ne manque donc pas en Cyrénaïque, mais, en raison de la grande perméabilité du sol, elle ne séjourne pas à la surface. Elle se perd dans les fissures du calcaire pour reparaître, sous forme d’une ligne de sources, au niveau de la plaine.

Insuffisance de pluies en Tripolitaine, infiltration des eaux en Cyrénaïque, le résultat était le même. Ce régime défectueux des eaux ne comportait qu’un remède efficace, ou tout au moins qu’un palliatif sérieux : un système aussi complet que possible d’irrigation. Phéniciens et Carthaginois de Tripolitaine, Grecs de Cyrénaïque avaient déjà beaucoup fait dans ce sens ; les Romains reprirent leur œuvre et la complétèrent rationnellement. Des citernes, des réservoirs conservèrent soigneusement pour la saison sèche l’excédent des pluies hivernales ; des barrages, des digues furent établis pour retenir l’eau des oueds et en assurer la distribution régulière. Enfin on alla chercher dans le sous-sol le supplément d’eau nécessaire. Les oasis, le lit desséché des torrens recèlent, enfouies à une profondeur souvent considérable, des nappes souterraines et des eaux courantes ; de nombreux puits en permirent l’utilisation constante. Des aqueducs, enfin, pourvurent à l’alimentation des grandes villes ou à l’irrigation des régions particulièrement déshéritées.

Les vestiges que ces travaux hydrauliques ont laissés sur