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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/416

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bien des points, nous montrent l’importance et la complexité de l’œuvre réalisée : puits dans les oasis côtières et dans la vallée du Cinyps ; citernes dans la vallée de l’Oued Zemzem ; barrages et digues à la lisière septentrionale du T’ahar, des monts Tarhouna et du plateau de Cyrénaïque ; restes d’aqueducs à Leptis et à Cyrène. Des travaux de ce genre exigent pour durer une surveillance incessante et un soin de tous les instans. Les puits se comblent ; les digues se rompent ; les aqueducs s’écroulent. Les Romains ne se sont pas contentés d’édifier ; ils ont su, pendant cinq siècles, conserver intact leur système d’irrigation, en l’entretenant avec cette vigilance méticuleuse qu’ils apportaient en toutes choses.

Grâce à cet ensemble de mesures, l’agriculture put atteindre en Tripolitaine son maximum de rendement, maximum dont on aurait tort d’ailleurs de s’exagérer l’importance. La zone d’exploitation agricole a toujours été strictement limitée par le jeu même des conditions géologiques et climatiques. Le centre, à l’époque romaine, en est la région côtière de l’Ouest, entre Tacape et Leptis Magna, soit un front méditerranéen de 400 kilomètres ; l’extension vers l’intérieur nous est donnée, de la manière la plus indiscutable, par le tracé du limes tripolitain. La Méditerranée au Nord, l’escarpement occidental du massif des Matmata à l’Ouest, la bordure septentrionale du Djebel Nefousa et des monts Tarhouna, au Sud et à l’Est, telles en étaient les limites générales ; au total, une superficie d’environ 40 000 kilomètres carrés. Mais, hâtons-nous de le dire, même dans cette zone privilégiée, l’exploitation n’était pas générale. La plaine de la Djeffara est formée de steppes sablonneuses et arides. Les points d’eau sont fort éloignés les uns des autres. La vie agricole y a toujours été très médiocre ; la rareté des ruines romaines nous en donne une preuve décisive.

L’effort de la colonisation a porté presque exclusivement sur les deux bordures : méditerranéenne au Nord, montagneuse au Sud. Les oasis de la côte, Zouagha, Abou Adjila, Zauia, Zenzour, Tripoli, Tadjoura, Khoms (Leptis), Zlitten, Misrata, largement pourvues de puits, savamment irriguées par un système complexe de rigoles, devinrent, sous l’Empire, plus prospères encore que par le passé. Les cultures potagères s’y mêlaient aux dattiers, aux citronniers, aux orangers et surtout aux oliviers. Pline mentionne particulièrement les oliviers de Tacape. La