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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/422

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Les Romains enfin multiplièrent dans les deux provinces les travaux d’utilité publique ou de simple embellissement. Les restes encore debout aujourd’hui nous en donnent l’éclatant témoignage ; à Leptis, des Thermes, un palais que devait quatre siècles plus tard faire réparer Justinien ; à Oea, un arc de triomphe élevé par Marc-Aurèle ; à Sabrata, un amphithéâtre ; à Bérénice, un mur d’enceinte renforcé de tours quadrangulaire ; à Ptolémaïs, un amphithéâtre, deux théâtres, un palais ; à Apollonie, le port de Cyrène, une basilique et deux églises chrétiennes. A Cyrène enfin, la ville au glorieux passé, des temples, deux théâtres, un amphithéâtre, un portique ; de nombreuses colonnes, des statues, des bas-reliefs, des inscriptions accumulées pêle-mêle sur le sol, attendent encore l’archéologue qui fera revivre leur histoire.

Les résultats généraux de l’œuvre romaine en Tripolitaine ont été limités, mais cependant réels ; au contraire, malgré le caractère bienfaisant et les efforts constans du gouvernement impérial, l’histoire économique de la Cyrénaïque sous l’Empire n’est qu’une longue décadence. L’agriculture devient de moins en moins rémunératrice ; le commerce se ralentit ; la prospérité générale décline. Au IVe siècle, l’évêque Synésius, cyrénéen de naissance, ne cesse de se lamenter sur la triste situation de son pays : « Cyrène, nous dit-il, si célèbre autrefois, la ville que les anciens sages se plaisaient à vanter, n’est plus qu’un morne désert et qu’une grande ruine. » Si triste que soit l’agonie de la brillante cité, il serait injuste toutefois d’en rendre responsable la domination romaine. Les causes en remontent infiniment plus loin. Rome a trouvé en Cyrénaïque un pays de vieille civilisation dont six siècles d’exploitation intensive avaient déjà épuisé les ressources. La création d’Alexandrie au IIIe siècle, son essor commercial rapide et prodigieux, avaient porté à Cyrène un coup terrible dont la vieille colonie des Battiades ne devait jamais se relever.

Une autre cause d’appauvrissement pour la Cyrénaïque, et non la moindre, fut la disparition graduelle du fameux silphium. Nous pouvons suivre à la trace, pour ainsi dire, son recul continu vers le Sud. Au Ve et au IVe siècle avant Jésus-Christ, Hérodote, Scylax, Théophraste signalent sa présence dans la région côtière ; au IIIe siècle, il n’en est plus question dans cette zone, mais il abonde encore sur le plateau de Barca. Au