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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/423

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début de l’Empire, il commence à devenir très rare. Cent ans plus tard, la trouvaille d’un pied de silphium est un événement sensationnel : « De notre temps, dit Pline, on n’a pu en découvrir qu’un seul pied qui a été envoyé à l’empereur Néron. » Au IIe siècle, le silphium a complètement disparu de la Cyrénaïque ; le tropique du Cancer marque la limite qu’il ne franchit plus vers le Nord. Le fait est incontestable ; les causes ne le sont pas moins : exploitation intense et maladroite, développement graduel des pâturages, difficultés croissantes de la récolte à mesure qu’il faut descendre plus loin vers le Sud ; mise en coupe réglée du trafic par les nomades de l’intérieur qui pillent les caravanes ou leur imposent des droits de passage onéreux.

Ajoutons encore les tremblemens de terre qui étaient, au témoignage de Synesius, un des fléaux les plus redoutables de la région et une calamité, malheureusement trop familière à l’Afrique du Nord, les invasions périodiques de sauterelles. Celle de l’année 125 avant Jésus-Christ resta célèbre entre toutes ; elle fut suivie d’une épidémie qui enleva nombre d’habitans et décima cruellement le bétail.

Le désastre devait se renouveler fréquemment sous l’Empire. Il fallut prendre de véritables mesures de salut public : « En Cyrénaïque, raconte Pline, la loi oblige de faire la guerre aux sauterelles trois fois par an, en écrasant d’abord les œufs, puis, les petites, puis les grandes. Celui qui y manque est puni de la peine des déserteurs. »

La Cyrénaïque enfin souffrait d’un dernier mal, dont Rome, malgré toute son énergie et son génie pacificateur, ne put jamais la guérir, les dissensions intestines. Dans cette contrée de dimensions restreintes et depuis longtemps surpeuplée, les Romains n’ont jamais représenté qu’un état-major peu nombreux de fonctionnaires et de soldats. Grecs et Juifs, qui constituent le fond de la population, restent en présence avec leurs aspirations divergentes et leurs haines séculaires. Pendant toute la durée de l’Empire, c’est entre eux une lutte sourde, une hostilité de tous les instans. Le feu couve constamment et la moindre étincelle suffit à déchaîner sur la province d’épouvantables cataclysmes. Une première fois, Auguste, à la demande de la colonie juive, intervient comme médiateur. En 70, la prise de Jérusalem par Titus provoqua un grave mouvement révolutionnaire ; les basses classes, particulièrement fanatiques et ignorantes, se