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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/430

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du poète des Orientales, — peut-être les Contemplations, — avec ces vers très significatifs :

Emportez, en partant, ce livre où ma pensée,
Selon les jours heureux ou les jours de malheur,
Joyeux, a retrouvé quelque joie effacée.
Ou triste, quelque ancienne et profonde douleur.

Lisez-le, c’est un grand et sublime poète
Qui sait du cœur humain tout comprendre et sentir,
Et qui, pour acquérir la gloire, qu’on n’achète
Qu’à force de douleurs, a dû beaucoup souffrir.

J’ai marqué du crayon maint frais et doux passage
Qui parle du printemps, des enfans ou des fleurs ;
Maint triste et sombre aussi, car sur plus d’une page
Vous y pourrez revoir la trace de mes pleurs.

Et il va sans dire que cette admiration se traduit par des imitations ou des réminiscences. Par exemple, ces vers d’une fort belle pièce intitulée Placidum mare :

Que vous font les troubles du monde ?
La mer vous donne sa profonde.
Son immense sérénité,

ne sont-ils pas comme un écho, lointain peut-être, discret et subtil, reconnaissable pourtant, de ces vers de Hugo, dans la célèbre pièce des Voix intérieures, À l’Arc de triomphe :

Nul ne sait, question profonde.
Ce que perdrait le bruit du monde,
Le jour où Paris se tairait ?

Mais si l’influence de Victor Hugo sur l’auteur de l’Amie perdue ne se manifestait que par quelques réminiscences, il n’y aurait guère lieu d’y insister. Or, parmi des différences qui sautent aux yeux, c’est bien, chez les deux poètes, la même abondance verbale, la même largeur de souffle, le même goût des développemens copieux, drus, parfois même un peu redondans, la même façon de frapper et de lancer le vers, ample, sonore, robuste, puissamment impérieuse. Reprenons la pièce que nous venons de citer : elle est datée de 1871. Le poète s’adresse aux pêcheurs dont il envie le sort :

Si la tempête éclate ardente,
Si vous êtes dans la tourmente,