Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie nous viendrait alors de l’étranger par la voie de mer.

« Quoi ! dira-t-on, l’Angleterre ne jouerait-elle donc pas vis-à-vis de nous le même rôle que vis-à-vis de l’Allemagne ? Ne serait-elle pas notre principal fournisseur, en tout cas l’intermédiaire géographique et commercial, l’organe essentiel de transit pour tout ce que nous achèterions aux Etats-Unis, par exemple ? Et la Manche n’est-elle donc pas aussi facile à franchir que la mer du Nord ? »

Assurément. Mais au moment même où la liberté de communiquer avec l’Angleterre nous deviendrait le plus essentielle, la Manche et le Pas de Calais, ne nous faisons pas d’illusions là-dessus, auraient cessé de nous appartenir. Les moyens que nous consacrons, disons même, si l’on veut, les seuls moyens que nous puissions consacrer, en l’état présent de nos ressources, à la défense du détroit et de ses abords sont manifestement insuffisans, en dépit de la valeur individuelle que donne aux diverses unités l’entraînement intensif de leur personnel.

Nos croiseurs cuirassés de la Manche, nous l’avons vu plus haut, sont hors d’état de se mesurer avec les croiseurs allemands. Un peu moins au-dessous de leurs similaires du parti opposé, nos torpilleurs d’escadre sont pourtant inférieurs à ceux-ci. Nous gardons, à la vérité, une supériorité marquée en ce qui touche les sous-marins. Malheureusement, le nombre de ces petites unités, si délicates encore et où le service serait si fatigant au cours d’une guerre de quelque durée, reste bien au-dessous du nécessaire. Il faudrait tripler au moins les effectifs de flottille qui suffisent à donner quelque apparence d’intérêt aux courtes manœuvres du temps de paix. Encore ne parlons-nous que de la surveillance de jour. Mais bientôt, grâce aux perfectionnemens de leurs appareils de vision extérieure, les sous-marins pourront assumer sérieusement la charge de la veille de nuit qui incombait à peu près exclusivement jusqu’ici aux torpilleurs ; et ce sera une impérieuse raison de plus d’augmenter le nombre de ces submersibles, à qui l’on imposera une double fatigue.

Ajouterons-nous, après l’avoir dit déjà d’une manière plus générale, que la défense, — l’interdiction, plutôt, — du Pas de Calais ne saurait se comprendre sans l’emploi éventuel d’un grand nombre de mines sous-marines ? Or il s’en faut de beaucoup