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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/594

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qui ne se rapporte en rien à une abjuration, et une soumission qui ne s’y rapporte pas davantage deviennent, pour M. Valin, « les faits qui constituent une abjuration. »

Voilà de ces subtilités que la raison se refuse à accepter et que le simple bon sens suffit à réfuter !...

Bien plus, si on examine les faits, ce n’est pas Jeanne qui s’était soumise au tribunal ; mais, au contraire, le tribunal qui s’était soumis aux volontés de Jeanne, puisque, sur son refus de toute rétractation (trois fois répété), les juges en arrivent à ne plus parler que d’un changement de costume.

Le tumulte survenu à cet instant pouvait-il être fortuit ?... Il avait été préparé et voulu par Cauchon : les pierres jetées sur le tribunal amenaient le désordre indispensable pour l’exécution de ses desseins. Or, c’est pendant ce tumulte qu’eut lieu la lecture de la cédule.

La thèse de M. Valin, « acte réalisé, » repose sur le fait que Jeanne aurait répété la formule, et pour l’établir, il amalgame cinq témoignages, il met dans la bouche de Massieu les paroles de Taquel et nous raconte : « L’appariteur Jean Massieu lut la cédule qu’Erard lui avait remise et Jeanne en répéta les termes après lui. Cela dura le temps de dire un Pater, nous dit le prieur de Longueville, Pierre Miget. Le fait est formellement rapporté par Massieu lui-même, par les témoins Nicolas Taquel et Jean Moreau ; il est confirmé par Guillaume Manchon... »

En opposition avec ce récit, il est indispensable de recourir au texte de chaque déposition.

Nicolas Taquel nous dit : « Elle lui fut lue par Jean Massieu, elle était d’environ six lignes de grosse écriture. Jeanne la répétait après le dit Massieu... » mais il nous dit aussi : « Je n’étais pas sur l’ambon avec les autres greffiers ; j’étais cependant assez près et à une place d’où je pouvais suivre ce qui se faisait et se disait. »

Au milieu de ce désordre, et étant à une certaine distance de Jeanne, n’y a-t-il pas lieu de croire que Taquel ne peut nous apporter qu’une impression plutôt qu’une certitude, et surtout lorsque, à une question précédente où il avait été mis en opposition avec lui-même, il venait de répondre : « Après tant de temps écoulé, j’en ai perdu le souvenir. »

N’en serait-il pas de même sur le point qui nous occupe, puisque Taquel est le seul témoin à nous déclarer que Jeanne