Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait répété la formule, tandis que les autres témoignages le contredisent ?

Miget, prieur de Longueville, nous apprend, comme il vient d’être rappelé, que la lecture de la cédule dura le temps d’un Pater, mais, non, que Jeanne en ait répété les termes. Si Jeanne les eut redits, combien il eût fallu plus de temps que pour un Pater !

Jean Moreau nous dit simplement : « J’ai vu qu’on lisait à Jeanne une feuille, mais j’ignore ce qu’elle contenait. » Si Jeanne eût répété la formule, comment aurait-il pu omettre de le dire ?...

Quel témoignage nous apporte Manchon, premier greffier ?... Il était sur l’ambon à côté de Jeanne, et nous savons par Taquel qu’il prenait note de tout ce qui se passait : « Je ne sais, nous dit-il, si elle prononçait les mots à la suite du lecteur, mais ce que je sais, c’est qu’elle souriait. » Manchon ne veut pas se compromettre, mais si Jeanne eût répété la cédule, un fait aussi important n’aurait pu lui échapper, d’autant plus que cette formule eût été prononcée à haute voix. Quand il ajoute : « Ce que je sais, c’est qu’elle souriait, » il nous apporte le témoignage de Jeanne elle-même. Ce sourire, que tous les témoins ont interprété comme un acte de défi et de dérision, n’est-il pas la négation que Jeanne ait répété la formule ?...

Massieu, qui en a fait la lecture, est très positif : « Érard me remit la cédule pour la lire et je la lus devant Jeanne. » N’est-ce pas la déclaration formelle que la Pucelle ne l’a pas répétée ? (Il l’a lue devant Jeanne), c’est dire que Jeanne n’y a pas participé. Massieu complète sa déposition en ces termes : « Je sais bien que cette cédule contenait huit lignes environ et pas davantage. Je sais, à n’en pas douter, que ce n’est pas celle qui est mentionnée au Procès. Différente de celle qui est au Procès est celle que j’ai lue et que Jeanne a signée. » Là encore, Massieu nous redit que lui seul a lu la cédule ; et puisqu’il nous parle de la signature, qui fut une croix d’après Guillaume Colles, à plus forte raison nous aurait-il déclaré si Jeanne eût répété la formule.

Il fallait reproduire ces dépositions, chacune avec son texte précis, afin qu’on pût en apprécier toute la portée. Or, en présence de ces affirmations, comment M. Valin peut-il prétendre que Jeanne aurait répété la formule ?... Les témoignages ci-dessus établissent une contradiction formelle entre le récit de M. Valin et les déclarations de quatre des témoins sur lesquels il s’appuie.)