Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/600

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rédacteurs, convaincus de s’être prêtés à des faux !... Quicherat qui, cependant, leur est plutôt favorable nous dit à propos de la déposition de Courcelles : « Ce ne sont que réticences, hésitations, omissions ; les circonstances qui devaient faire le tourment de sa mémoire, il ne se les rappelle pas ; d’autres qu’il avait consignées au Procès, il les nie. Toute son étude est de donner à entendre qu’il a pris peu de part au Procès, etc. »

Quant à Manchon, au lieu d’éclaircir, il cherche de parti pris à ce que ses paroles ne puissent compromettre ni lui-même, ni personne. Lorsqu’on lui demande « si les paroles de Jeanne ont été bien reproduites, » il répond « ne pas s’en souvenir, » ou bien il déclare « qu’il ne fit pas attention, et aurait-il remarqué une inexactitude, il n’aurait pas osé en remontrer à de si hauts personnages. » A propos de la sentence, il s’en rapporte au récit des juges, ou bien il dit « qu’il plut aux juges d’ainsi faire et que telle fut leur volonté. »

Pour bien apprécier toute la valeur de ces déclarations, il ne faut pas oublier que nous avons affaire à des Universitaires, rompus à la controverse. Ils sont prêtres, ils ont prêté serment ; mais leur esprit, nourri de casuistique, leur permet de trouver mille subterfuges. Pouvaient-ils reconnaître l’infamie à laquelle ils avaient participé ? Or, ce que nous dit Quicherat au sujet de Courcelles doit s’appliquer à tous les témoins.

C’est à ces esprits retors que presque tous les historiens se sont uniquement adressés ; ils ont négligé d’étudier Jeanne elle-même, cette âme de droiture et de vérité, et l’ont tenue pour suspecte.

Jeanne, la veille de Saint-Ouen, prédisait tout ce qu’elle ferait : « Si j’étais en jugement, si je voyais le feu allumé, les bourrées flamber, le bourreau prêt à bouter le feu, si j’étais dans le feu, je n’en dirais pas autre chose, et jusqu’à la mort, je soutiendrais ce que j’ai dit au Procès. » Et comme le dit le révérend Wyndham, « jamais prophétie ne fut mieux réalisée. »

A une triple monition de se soumettre, elle a répondu par un triple refus. C’est la mort qu’elle attend, le bûcher !... Et voilà, qu’Erard ne lui demande plus que de quitter l’habit d’homme, lui promet même la liberté ! mais, en même temps, pose cette terrible alternative : « Signe ou tu seras arse ! » A cette menace le calme de Jeanne reste tel que Massieu nous dit : « Je voyais bien qu’elle ne comprenait ni la cédule, ni le péril. » Et Guillaume Colles déclare également : « Je crois que Jeanne