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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/604

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autres faux que va commettre Cauchon. — L’abjuration n’ayant jamais existé, Jeanne n’était pas relapse ; or, pour la condamner, il fallait établir la rechute et par conséquent l’abjuration ; aussi est-ce le but de la séance du 28 mai, où, d’accord avec sept affidés, Cauchon va, par une série de mensonges et de faux, chercher à en établir les apparences.

Cauchon et Lemaître qui, pour des séances moins importantes, avaient appelé plus de soixante assesseurs, n’en convoquent que sept pour cet interrogatoire du 28 mai ; et quels assesseurs !... Jacques Lecamus, si dévoué à l’Angleterre que, pour fuir la domination française, il s’était exilé de Reims où il était chanoine ; Nicolas Berlin et Julien Klosquet, si inconnus que sur eux rien ne nous est parvenu ; Haiton, un Anglais secrétaire du Roi ; Nicolas Wenderez, l’un des plus acharnés contre Jeanne, le rédacteur de la sentence ; Thomas de Courcelles, l’homme à la torture ; et enfin, pourrait-on le croire ?... le gardien du cachot, Jean Griz.

Manchon, terrifié, avait refusé de venir et il fallut que ce fût Warwick, lui-même, qui allât le chercher. C’est par le timide Manchon que nous est parvenu le huis-clos de cet interrogatoire, et lorsque, au procès de réhabilitation, on lui demande si les paroles de Jeanne ont été bien reproduites, il répond « ne pas s’en souvenir. » Peut-il avouer plus explicitement que les réponses de Jeanne ont été falsifiées ?... Et pour s’en excuser, que dit-il ? «... Qu’il plut aux juges d’ainsi faire et que telle fut leur volonté. « Il ajoute encore : « qu’il n’aurait pas osé en remontrer à de si hauts personnages. »

Pour ce même interrogatoire, Courcelles, au procès de réhabilitation, se réfugiera dans le silence. Quelle preuve plus absolue que le mensonge seul a régné dans le procès-verbal !...

Calomnie que « Jeanne aurait confessé n’avoir pas bien fait... » Calomnie que « ses Voix lui auraient dit la grande pitié de sa trahison. » Comment aurait-elle pu le dire, puisque nous venons de voir que jamais elle ne fut plus fidèle à ses voix !

Calomnie quand on met dans sa bouche : « Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par peur du feu. » Qu’a-t-elle donc fait ?... Nous avons vu qu’elle a refusé de se soumettre. Tout établit le faux. Il y a contradiction, et de plus impossibilité morale et matérielle. Quant à la peur du feu, il n’y avait pas de bûcher et tous les témoignages attestent, au contraire, que pas un