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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/624

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Jean Bréhal, auxquels, avec lui-même, il faut en faire remonter tout le mérite et tout l’honneur.

Dans l’ardeur, on pourrait dire, la passion que mit à cette œuvre le grand inquisiteur Jean Bréhal, on sent qu’il voulait réparer le crime auquel s’était associé Jean Lemaitre, dominicain comme lui, et vice-inquisiteur. Il apportait à cette cause non seulement sa science profonde de la théologie et du droit, mais, de plus, il s’entoura de l’avis des théologiens les plus éminens de la France et de l’étranger. Bréhal s’appliqua à ce que rien ne restât debout dans le brigandage judiciaire qu’avait été la condamnation de Jeanne d’Arc et la prétendue abjuration de Saint-Ouen.

Si le cardinal d’Estouteville était Français et Normand, il vivait depuis longtemps à Rome où il était évêque d’Ostie, archevêque de Velletri et cardinal depuis 1438. Sa situation était si considérable qu’à l’un des conclaves, il ne lui manqua que trois voix pour arriver au siège suprême. Tel était le personnage que Nicolas V, voulant obtenir l’abolition de la Pragmatique Sanction de Bourges et, en même temps, réorganiser l’Université de Paris, envoyait en France, comme légat, en 1451. Aucun choix ne pouvait être mieux agréé par Charles VII, car une proche parenté unissait le légat à la maison royale ; Marguerite de Harcourt, sa mère, était nièce du roi Charles V,

Homme d’Etat autant qu’homme d’église, le cardinal d’Estouteville, pendant sa mission en France, put apprécier la nécessité de la révision du Procès de Jeanne d’Arc ; aussi, en retournant à Rome, devint-il l’agent dévoué du Roi. Il parvint à triompher de toutes les difficultés, et le 21 juin 1455, le pape Calixte III signa le rescrit qui désignait les commissaires français « chargés de rendre une juste sentence. » Cette haute-cour se composait de Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, Guillaume Chartier, évêque de Paris, et Richard Olivier, évêque de Coutances, avec Jean Bréhal, grand inquisiteur de France. Après un an d’enquêtes, mémoires et plaidoiries, le 7 juillet 1456, dans cette même ville de Rouen où Jeanne avait été brûlée, l’archevêque de Reims prononça le jugement qui cassait et annulait, mettait à néant les procès et sentences qui avaient condamné l’envoyée de Dieu, la libératrice de la France.

Les témoins de son enfance, ceux de sa vie guerrière comme de son martyre, tous étaient venus raconter sa vie héroïque et