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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/625

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sans tache ; la Pucelle et son Roi étaient lavés de toute hérésie.

Si Charles VII avait voulu que justice fût rendue dans sa foi à celle qui avait relevé son trône, et que fût affirmée la mission divine de Jeanne, il tenait également à ce que cette mission s’arrêtât à Reims. N’avait-il pas, après le sacre, refusé les inspirations de la Pucelle ? Admettre que la mission de celle-ci n’avait pas pris fin avec l’onction royale, aurait été s’infliger un blâme à lui-même, puisque, après Reims, il avait abandonné Jeanne : aussi voulait-il la réhabiliter, mais non la glorifier.

Pour la glorifier, il fallait des temps nouveaux, où l’esprit critique, devenu le seul maitre, obligeât notre raison à s’incliner devant une vie qu’elle ne pouvait expliquer et que, alors, au nom de la science même, notre raison vint admirer en Jeanne d’Arc celle que M. Hanotaux appelle « un exemplaire incomparable de l’humanité. »

C’est à ce sentiment qu’obéissent les Américains en élevant à notre grande héroïne nationale une statue monumentale dans la cité de New York : « Nous voulons glorifier en Jeanne d’Arc, disait le président du Comité, M. Frederick Kunz, la personnalité féminine la plus élevée qui se soit rencontrée dans l’histoire du monde. »

Cette âme si exceptionnelle que le monde admire, cette âme qui avait mis en Dieu tout son amour et toute sa confiance, comment Dieu aurait-il pu permettre qu’au moment suprême, elle connût une défaillance ?... Ce que les données morales ne permettaient pas de croire, les données matérielles nous le montrent comme n’existant pas. En étudiant le Procès dans tous ses replis, les preuves matérielles obligent à affirmer que toujours, égale à elle-même, Jeanne s’est refusée à toute abjuration.


Cte C. DE MALEISSYE.