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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/635

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A cette heure propice, « beau, brave, léger, moqueur, éclatant, » apparaît à Hanovre le comte Philippe de Konigsmarck.

Au bas de ce portrait, tracé par Paul de Saint-Victor, se place naturellement l’opinion de Saint-Simon sur le brillant Suédois : « C’étoit un de ces hommes pour produire les plus grands désordres d’amour. »

Fatalité de race, que cette irrésistible séduction, si l’on rapproche les « désordres » causés par Philippe, de ceux dont son neveu, Maurice de Saxe, fut également l’auteur.

Konigsmarck était beau, séduisant, nulle contestation à cet égard. Ses qualités morales répondaient-elles à son extérieur ? Sur ce point, il existe moins d’accord. Egoïste, grossier, intéressé, tel est, en général, le jugement porté sur lui.

Cette sentence est-elle sans appel ? Nous ne le croyons pas. Tout ce qui concernait Konigsmarck pendant son séjour à Hanovre ayant été soigneusement détruit, sa correspondance amoureuse constitue les uniques pièces d’un procès qui mérite, peut-être, d’être révisé.

Quelques-unes de ses lettres, dont l’orthographe, seule, a été rétablie, ont dû, pour le sens, être ici mises en regard de celles de Sophie-Dorothée : il y apparaît que cet amant, si malmené, qui écrivait, dans un français de fortune, des détails de corps de garde, trouvait, parfois, des expressions singulièrement belles pour dire son amour.

La vie de Konigsmarck est l’explication de son caractère : de même que l’hérédité maternelle avait fait naître Sophie-Dorothée française, l’hérédité paternelle avait fait naitre Konigsmarck aventurier.

Les Konigsmarck, de vieille race suédoise, avaient toujours fait montre de l’humeur la plus aventureuse. On les trouve sur tous les champs de bataille de l’Europe, la guerre de Trente Ans connut les prouesses fameuses du grand-oncle de notre héros.

Philippe, le second fils du général Konigsmarck, n’avait point menti à son origine ; il ne valait ni plus ni moins que la plupart des aventuriers nobles de son temps : mêmes qualités et mêmes défauts.

Konigsmarck avait vingt-six ans quand, en 1688, il arriva à Hanovre où le précédait une réputation de faste et de galanterie acquise dans les nombreuses capitales qu’il avait visitées.