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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/634

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La maîtresse de l’évêque ne tarda pas à se repentir d’avoir fait le mariage de Georges-Louis. La radieuse étoile qui se levait à la cour de Hanovre menaçait son éclat défaillant. L’Europe entière célébrait les charmes de la princesse, et voici la peinture qu’en trace, à cette époque, le Mercure galant (décembre 1684) :

« Elle est d’une taille fort bien prise. Elle a les cheveux d’un blond châtain, la forme du visage ovale, une petite fosse au menton, le teint beau et uni et la gorge très belle. Elle danse parfaitement bien, joue du clavecin et chante de mesme. Elle a infiniment de l’esprit, beaucoup de vivacité, une imagination heureuse et riche par le profit qu’elle a fait de ses lectures. Elle est née avec un fort bon goût, qui s’est augmenté par les soins que l’on a pris de son éducation.

« Un homme qui sçauroit autant qu’elle seroit heureux et pourroit en demeurer là. Elle parle fort juste de tout et entre finement dans tout ce qu’on lui dit et répond de mesme. »

Avec ses yeux « noirs et brillans, » sa chair « blanchement rose, » telle apparaît Sophie-Dorothée dans la fleur de ses seize ans.

Le Mercure, cependant, néglige un détail de ce charmant visage : les yeux très à fleur de tête que l’on retrouvera chez son fils George II d’Angleterre et, par la suite, dans toute la dynastie de Hanovre.

La princesse plaît, elle est admirée, l’évêque lui-même tombe sous le charme. C’était assez pour décider la perte de la jeune femme. La favorite attendit et guetta.

Rien dans la conduite de Dorothée ne put, pendant quelques années, servir de ténébreux projets. Deux maternités successives occupèrent d’abord son cœur : à défaut d’amour, le calme régnait dans le ménage. C’était trop encore pour la Platen qui, employant les moyens coutumiers, y jeta le brandon de discorde sous les espèces de la fraîche et insignifiante Ermengarde-Mélusine de Schulenbourg. Georges-Guillaume n’essaya pas même de dissimuler et produisit ouvertement sa maîtresse. L’impétueuse Sophie-Dorothée se résignait à n’être pas aimée de son mari, mais elle entendait qu’il la respectât. Larmes, reproches, scènes, mirent la situation au pire. Georges-Guillaume devint brutal. La coupe était pleine ; la princesse retourna à Zell demander protection à ses parens ; le duc, influencé par son ministre Bernstorff, la sermonne et la renvoie à son époux.