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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/638

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voulait pas montrer son style en négligé ; bien imprudemment, il dut charger quelque obligeant ami de corriger ces billets. Sophie-Dorothée hésite à répondre, et peut-être ne l’eût-elle pas fait sans une sentimentale suivante qu’elle avait amenée de Zell : Eléonore de Knesebeck. Celle-ci qui fit preuve, dans la suite, d’une fidélité quasi héroïque, était à coup sûr une confidente dangereuse, car elle ne put résister à la tentation de jouer un rôle dans une aventure romanesque. Sophie-Dorothée répondit donc au beau Suédois ; elle en reçut un merci tel qu’il l’inclina à de nouvelles faveurs :


De Hambourg, le 24 janvier ? (plutôt juillet).

« J’ai reçu la réponse aujourd’hui, jugez dans quelle inquiétude j’ai été depuis tout ce temps-là. Je peux vous assurer que cela est cause que ma maladie dure depuis longtemps, car dans l’appréhension où j’étois d’être tout à fait oublié de vous, cela me causoit des douleurs mortelles ; mais puisque je vois le contraire, j’ai repris tellement du courage que j’espère de vous revoir bientôt. C’est bien moi qui se doit plaindre d’être obligé garder tant de mesures, et combien ne suis-je pas tourmenté par là, mais je porterai mon malheureux sort avec beaucoup de fermeté, puisque la plus aimable et la plus charmante personne du monde me le cause.

« Au reste, si l’on pouvoit ajouter foi à ces paroles, je ne changerai à moins que vous ne m’y contraigniez. Que ne serai-je heureux, mon bonheur seroit parfait alors et je n’en souhaiterai point d’autre dans le monde. Mais ces mots veulent dire beaucoup, et je ne sais si vous avez fait réflexion. Si vous me faisiez la grâce de me répondre deux mots, je me remettrois bien plus tôt et, par conséquent, je serois plus tôt en état de vous assurer de bouche que je suis réellement votre obéissant valet. »


La correspondance est désormais établie. Chaque fois que Konigsmarck s’éloignera, il recevra les plus tendres assurances ;

Pour lui, ses lettres se modifient insensiblement à mesure qu’il sent augmenter son pouvoir : reproches jaloux, sermens, promesses de fidélité, menaces de se tuer, le tout accompagné des protestations les plus véhémentes qu’il signe avec son sang. Il ne demande plus les services du correcteur :