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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/639

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« Adieu, émable brune... je vous embrasse les jenoux, » écrit-il sans plus d’orthographe que de façons.


Sa stratégie amoureuse est intéressante à suivre, tant il sait graduer les nuances. Il feint d’être malade, donne d’horrifîans détails ; si Sophie-Dorothée ne se laisse pas toucher, il est « un homme fricassé. » Il l’inquiète : « Je pars, quand vous reverrai-je ? » Enfin, il devient tragique et nourrit un ours auquel il présentera son cœur à dévorer si la princesse change à son égard.

Mais le cœur de Sophie-Dorothée ne change pas ; elle l’écoute au point de faire à Konigsmarck une promesse qui lui permet de témoigner ainsi son impatience :


« Ah ! que les momens me deviennent des siècles, je ne saurois pas voir le jour sans me fâcher. Pourquoi les heures ne deviennent-elles pas des momens ? Que ne donnerois-je d’entendre minuit sonner ! Ayez soin d’avoir de l’eau de la reine de Hongrie prête, de peur que la trop grande joie me cause un évanouissement. Quoi, j’embrasserai ce soir la personne la plus aimable du monde, je baiserai ses lèvres charmantes... j’entendrai de vous-même que je ne vous suis point indifférent, j’embrasserai vos genoux, mes larmes auront la permission de couler sur ces joues incomparables ; mes bras auront la satisfaction d’embrasser le plus beau corps du monde...

« Oui, Madame, encore une fois, je mourrai de joie, je le sens, cela ne se peut autrement.

« Préparez-vous à cela ; pourvu que j’aie le temps de vous dire que je meurs votre esclave, je me consolerai de tout. »


La dernière faute est consommée, la femme de Georges-Guillaume a reçu, la nuit, son impatient amant. Les deux amoureux dissimulent mal, leur intrigue commence à se dévoiler et revêt un caractère d’autant plus grave qu’elle peut compromettre la succession de la couronne anglaise, rendue probable par l’avènement de Guillaume d’Orange.

La duchesse de Zell a des soupçons, elle objurgue sa fille de fermer ce roman en éloignant le Suédois qui, informé, n’épargne pas la vigilante mère : ... « La terre s’ouvriroit pour l’engloutir, je serois bien content... Tout conspire contre moi, les hommes,