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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/647

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vous trop aimer. Ce sont mes sermens et je mourrai avec eux, à moins que vous ne me forciez à les changer. »


Brockhausen, 30 juin/10 juillet.

« J’ai reçu deux de vos lettres aujourd’hui, et au lieu que je les devois trouver pleines de tendresse, je n’y ai veu que des reproches que je ne mérite ny ne mériterai jamais. L’on ne peut estre plus surprise que je ne l’ai esté. Je n’ay rien fait depuis vostre départ dont vous ne deviez estre content et je ne ferai rien en ma vie que ce que je croirai vous estre agréable.

« Ce sont mes véritables sentimens, et mon inclination ne me porte qu’à vous bien marquer ma passion et le véritable attachement que j’ay pour vous ; bien loin de songer à la coquetterie dont vous m’accusez avec tant d’injustice, je n’ay peu m’empêcher de fondre en larmes en lisant toutes les duretés dont vous m’accablez. Quel sujet vous ai-je donné d’avoir si méchante opinion de moi ? Est-ce pour avoir aimé à l’adoration, pour avoir négligé tous les amis que j’avois au monde, et de m’estre souciée ny des prêches de mes parens, ny de tous les malheurs qui m’en peuvent arriver ? Rien n’est comparable à la douleur que je sens, et je ne saurois supporter que vous me pussiez croire capable de manquer à rien de tout ce que je vous ay promis. Vous me parlez de plaisantes gens pour vous supplanter. Ils ne méritent point l’honneur assurément que vous leur faites, et je suis honteuse d’estre obligée à vous rassurer sur leur sujet. J’ai fort peu parlé au Piémontois, et point du tout à l’Autrichien. Je vous ai écrit fort exactement tout ce que j’ai fait, et je suis preste à vous faire tous les sermens qu’il vous plaira pour vous bien persuader mon innocence. Croyez fortement et imprimez bien dans vostre teste que rien dans le monde ne me fera jamais changer. Je vous aime au delà de tout ce que je peux vous en dire, et quand même vous me donneriez lieu de m’en repentir, je sens bien que je ne pourrois cesser de vous aimer, et mon cœur est trop à vous pour le pouvoir reprendre. Cependant, vous voulez vous attacher à l’électeur de Bavière et vous voulez m’abandonner, et tout cela sur une chimère qui n’a pas la moindre apparence de raison. Est-ce là comme on aime ? M’aimez-vous encore, ou cherchez-vous un prétexte pour me quitter ? J’en tremble, car vous ne sauriez