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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/651

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nous devons nous défier... Soyez pour moi comme je suis pour vous, et je n’ai rien à souhaiter. Vous me trouverez plus tendre que jamais, ma passion augmente tous les jours et je ne vous ai jamais tant aimé. Si vous vous souvenez de ce que vous me dites, que vous vouliez renoncer à la guerre et vivre avec moi, mais je crains bien que vous ne l’ayez déjà oublié. S’il ne faut que la moitié de mon sang pour l’obtenir de vous, je le donnerai avec joie. Il m’est impossible de vivre sans vous voir et je mène une vie languissante. Je n’en ai pas eu un moment depuis vostre départ et il n’y a que vos lettres qui me fassent plaisir. Quand je songe à tous ceux que j’ai eus et que je fais réflexion sur l’ennui où je suis, quelle différence ! Quand reviendra-t-il, ce temps bienheureux ?

« Mais le siège de Mons me fait trembler. Conservez-vous pour moi, je vous en conjure, et pensez que ma vie est attachée à la vostre. Ecrivez-moi tout le plus souvent que vous pourrez, c’est toute ma consolation, et assurez-moi bien de vostre fidélité. Je ne suis pas fort en repos sur ce sujet, je vous l’avoue, et je vous aime avec trop de passion pour estre sans inquiétude. Ah ! mon cher enfant, pourquoy ne suis-je point avec vous ? J’en mourrois de plaisir. Adieu, aimez-moi autant que je vous aime. Toutes les actions de ma vie vous marqueront que je vous aime à l’adoration, et rien ne me paraîtra difficile quand il s’agira de vous plaire.

« Adieu, encore une fois, j’aurois encore mille choses à vous dire, et ma tendresse est inépuisable. »


Les moindres passages tendres des lettres de Konigsmarck ravissent la princesse. Pour eux, elle fait grâce aux reproches et ne retient que les mots aimables dont son cœur se nourrit et dont elle le remercie comme d’un bien inestimable.


A. C. (elle), le 15/25 juillet.

« Je ne fais austre chose que lire vostre lettre, tout m’en plaist jusqu’à vos emportemens et vos imaginations ; mais espargnez vos beaux cheveux, ils vous frisent trop bien pour que vous leur fassiez aucun mal [1].

« Je viens d’avoir une frayeur épouvantable. Le Pédagogue

  1. Konigsmarck avait projeté de se couper les cheveux pour porter perruque.