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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/686

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faciliter le recrutement des écoles supérieures d’agriculture en ramenant aux champs les activités et les capitaux qui s’en détournent.

Malheureusement, l’éducation du public sera fort difficile à faire et, en attendant, le nombre des candidats aux écoles restera médiocre.

Enfin, il y a plus à dire et une dernière observation mérite toute notre attention. Les débouchés manquent à nos jeunes ingénieurs agricoles parce que l’exploitation du sol, en France, ne comporte pas l’emploi d’un directeur technique bien rémunéré dont l’activité et les connaissances permettraient de faire valoir un domaine étendu et des capitaux de culture importans. L’agriculture, en effet, ne peut assurer un traitement, — ou une part de bénéfices convenable, — à un cultivateur instruit et actif, qu’à la condition de s’appliquer à de larges surfaces dépassant 200 ou 300 hectares, par exemple. Un pareil domaine vaut de 400 000 francs à un million, et le capital de culture nécessaire pour l’exploiter représente en moyenne le cinquième du capital foncier, c’est-à-dire de 80 000 à 200 000 francs !

Or, si notre ingénieur ne possède pas les capitaux relativement considérables dont il a besoin pour être simplement un locataire, cultivant comme fermier à ses risques et périls, nul propriétaire, nul capitaliste ne s’associera à lui pour les avancer. Il n’existe pas, en France, de sociétés industrielles et financières groupant des capitaux dans le dessein d’exploiter des domaines achetés ou loués. L’élève diplômé des écoles supérieures d’agriculture ne trouve donc jamais, — ou presque jamais, — dans notre pays une situation d’ingénieur, de directeur technique, analogue à celle d’un ingénieur dans l’industrie ou d’un « intéressé » dans le commerce.

Telle est encore la raison des difficultés que présente le recrutement de nos écoles. Le nombre des élèves, en effet, se proportionne toujours aux débouchés qui leur sont ouverts. Si les candidats à l’Ecole polytechnique, à l’Ecole de Saint-Cyr, à l’École centrale, ne font jamais défaut et se comptent par centaines, c’est que l’Etat ou l’industrie leur offrent d’avance, ou leur assurent en fait, des situations en rapport avec leurs légitimes ambitions.