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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/772

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Pour la plupart des visiteurs, c’est, à première vue, une série d’étonnemens. Étonnement, d’abord au sortir d’un couloir d’entrée bas et sombre, de se trouver, tout à coup sûr une haute esplanade, en pleine lumière, entre des écuries monumentales et la véritable façade du Palais, dont les larges perrons semblent attendre une lente montée de seigneurs et de dames en toilettes chatoyantes ! Etonnement, ensuite, dès l’entrée à ce premier étage, de traverser des salles et cabinets à ce point remplis, de bas en haut, des planchers aux plafonds, par les tapisseries, peintures, sculptures, vitrines, meubles de prix, qu’on s’y trouve comme étourdi par la multiplicité et la variété des visions attrayantes. Et la surprise ne cesse de s’accroître, à l’aspect du Grand Hall, d’une hauteur inattendue, largement ouvert au centre de l’édifice, salle de bal, salle de théâtre, salle de concerts dont les balcons supérieurs attendent aussi, comme dans les Palais d’Italie, la foule des musiciens, spectateurs et spectatrices. Bientôt cette surprise est à son comble, lorsque, après avoir gravi la vis d’un escalier tournant, on se trouve, tout à coup, comme sur une terrasse de Venise, en face d’une grande fresque de son dernier et incomparable décorateur, G. B. Tiepolo, enfin, lorsque, déjà préparé par cette vision étourdissante, on se sent pour longtemps arrêté loin des bruits, très haut, au-dessus de Paris, loin du monde, dans les trois galeries plus paisibles et plus rangées, où la Renaissance italienne du XVe siècle étale, en sculptures et peintures, les spécimens les plus variés de son imagination poétique et de ses inspirations printanières !

Est-ce donc la, seulement dans cet étage supérieur, que se trouve le Musée ? — Assurément, ceux-là le peuvent croire qui visitent ce Palais avec la curiosité superficielle d’un voyageur banal, d’un magister pédant, d’un étudiant naïf, d’un snob vaniteux, d’un marchand avide, qui, sans perdre de temps, veulent emporter, dans leurs mémoires et leurs carnets, des dates, des noms, quelques impressions de formes et de couleurs, de façon à éblouir leur entourage, leurs lecteurs, auditeurs, visiteurs ou cliens par des apparences de savoir précis et scientifique.

Il en est tout autrement pour les amoureux sincères et désintéressés de la beauté et de l’art. L’on s’en aperçoit bien vite, dès que, moins bousculé, on redescend, repasse, s’arrête dans