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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/773

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toutes ces pièces de l’étage inférieur. Non, ce n’est point là ce désordre incohérent qui, dans certains magasins d’antiquaires, ateliers d’artistes, cabinets de modestes amateurs, résulte forcément d’un trop grand nombre d’objets entassés en d’étroits espaces suivant les hasards de la trouvaille et de l’achat. Si l’on examine avec attention, dans chaque salle, ce pêle-mêle apparent, on s’y sent vite les yeux caressés et ravis par l’harmonie des colorations et des formes délicatement assurée entre le décor et le mobilier, tapis de pied et tentures murales, peintures et sculptures, objets d’art précieux posés sur les tables ou rangés dans les vitrines. En même temps, on s’y sent l’esprit heureux de passer ainsi, sans effort, des manifestations de l’art le plus puissant jusqu’à ses plus modestes expressions, et de ressaisir, à travers tous les pays, cette incessante poursuite de la beauté, qui par l’amour de la nature, l’intelligence de la vie, les aspirations idéales, donne à l’imagination humaine à la fois ses joies les plus vives et ses plus nobles consolations.

Il n’a pas moins fallu que la rencontre heureuse et l’association active d’un amateur éclairé et généreux et d’une artiste savante et passionnée, pour réunir en une quarantaine d’années autant de précieux témoignages de l’art et de l’industrie humaines, et pour les savoir présenter en des accords harmonieux qui en font réellement valoir à la fois la diversité d’apparences et l’unité d’inspirations. — Pour bien comprendre le résultat obtenu par deux volontés affectueuses et concordantes, rappelons-nous dans quels milieux M. Edouard André et Mlle Nélie Jacquemart se sont formés et instruits, se sont connus et compris, avant de collaborer, durant leur vie commune, et même ensuite, par la continuité d’une entente posthume. Car Mme Edouard André, après la perte de son mari, n’a cessé de travailler dans le même esprit à l’œuvre entreprise avec une fidélité vaillante et patiente, jusqu’à ses derniers jours. A l’heure où une mort prématurée l’a surprise, elle négociait encore de nouvelles acquisitions.


I

Tous les vieillards de ma génération, ceux qui furent « les Jeunes » sous le second Empire, se souviennent, avec reconnaissance, de la commotion produite en France, comme dans tout