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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/775

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réorganisé, se formait toute une brigade enthousiaste et militante de jeunes amateurs, érudits, historiens, qui allaient renouveler la critique d’art. En même temps que Villot commence la rédaction de ses catalogues exemplaires, Ph. de Chennevières, A. de Montaiglon, Dussieux, Paul Mantz, Eudore Soulié, etc., inaugurent, par leurs études documentaires, la série des publications instructives sur les arts français, qui, se joignant à celles des archéologues et artistes, le comte Léon de Laborde, Caumont, Viollet-le-Duc, Lassus, Darcel, Didron, etc., allaient nous rendre enfin la conscience et le respect des grandeurs séculaires de notre génie national. — Dès ce moment, le goût et la passion des questions d’art gagnaient chaque jour du terrain.

L’Université ne fut pas la dernière à y prendre part. Nos jeunes professeurs, les derniers sortis de l’Ecole normale, au temps de Taine, d’About, de Prévost-Paradol, etc., durant la période républicaine, ne dédaignaient plus de nous en parler. Quelques-uns, heureux de pouvoir enfin librement manifester leurs admirations romantiques, n’hésitaient pas à nous communiquer leurs enthousiasmes. On m’avait déjà donné, au lycée d’Orléans, en septième, pour volumes de prix, les Orientales de Victor Hugo et l’Allemagne de Mme de Staël. A Paris, au lycée Charlemagne, en seconde, notre professeur nous commentait les Salons de Diderot et nous engageait à visiter, aux jours de sortie, les musées du Louvre, de Cluny, voire le Salon annuel, nous permettant d’y choisir nos sujets de narration française. Au Salon de 1853 (Hôtel des Menus-Plaisirs, faubourg Poissonnière), où l’école néo-grecque représentée par des élèves de Paul Delaroche et Gleyre (Gérôme, Gendron, Picou, etc.) avait grand succès, l’idylle aimable de G. Hamon, « Ma sœur n’y est pas, » fut l’occasion d’un concours d’esthétique. La classe, d’ailleurs, possédait deux dessinateurs d’une virtuosité précoce, Emile Bayard, le futur illustrateur, Paul Sédille, le futur architecte. Et c’était une joie pour nous de leur voir improviser des croquis vifs et spirituels en marge de nos versions, comme c’était pour nos maîtres un plaisir de les leur confisquer.

Aussi, quand s’ouvrit l’Exposition Universelle de 1855, nos querelles d’apprentis amateurs devinrent-elles extrêmement vives, soit à propos des descriptions enthousiastes, hautes en couleurs, improvisées d’une plume chaleureuse par Théophile